Soixante-deux unités. Voilà en tout et pour tout le nombre de Volvo S80 neuves vendues l'an dernier au Canada. La S90 qui lui succède en septembre n'aura, de toute évidence, aucun mal à faire oublier ce maigre résultat.Sur ce marché --où Volvo est pour ainsi dire inconnu au bataillon-- il est nécessaire d'établir sa crédibilité pour se démarquer et grandir. La S90 avance des propositions intéressantes mais incomplètes pour y parvenir.

Comme le modèle qu'elle remplace, la S90 est une grande berline qui, à sa manière, aspire à bousculer les règles parfois trop figées de l'univers des voitures haut de gamme. Faute d'être nouvelle, l'idée est originale même si elle n'a pas convaincu à ce jour beaucoup de clients. Sa rivale directe, la Lincoln MKS (la S80 partageait une architecture semblable), totalisait 173 immatriculations en 2015 et la Mercedes Classe E, plus prestigieuse, mais surtout plus chère, s'est vendue à 3162 exemplaires au cours de la même période, soit un volume 50 fois supérieur à celui de la Volvo S80.

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Marché dur, chiffres cruels

Les chiffres sont cruels, mais ils s'expliquent. La S80 n'a guère évolué en 10 ans. Dix ans ! Aussi bien dire une éternité dans ce monde où les constructeurs s'ingénient presque à démoder leurs créations pour mieux vendre les nouvelles.

Volvo ne pouvait alors se permettre ce luxe, se trouvant lui-même au centre de négociations compliquées entre l'américain Ford et la chinoise Geely pour sa reprise. Cela faisait beaucoup à gérer.

La S90 nous surprend d'abord par ses proportions. Plus longue que le modèle précédent, cette grande Volvo occupe désormais autant d'espace sur la route que ses rivales. Trop épuré sans doute, le dessin de la partie arrière est impersonnel et donne cette impression qu'il « manque quelque chose ». L'avant reçoit la calandre « concave », nouvelle identité visuelle de la marque, et le « marteau de Thor », intégré à chacun de ses phares. Le profil est très joliment dessiné, mais le contraste entre la poupe et la proue fait l'effet de manquer de cohésion.

Salle de séjour avant-gardiste

Sa qualité de présentation marque un bond en avant. L'ambiance intérieure évoque une salle de séjour avant-gardiste.

Pas d'imitation laborieuse de l'esprit Bauhaus des allemandes, de copie timide du style british ni même de réinterprétation pantouflarde du cocon faussement moderniste des marques japonaises d'élite.

Selon la déclinaison et le choix de l'acheteur, il est possible de faire dominer les teintes claires et de les ensoleiller grâce à un toit ouvrant de grande dimension. 

Le tableau de bord se déploie horizontalement avec élégance et la très raffinée finition Inscription (lire haut de gamme) adopte d'originales boiseries. Changement de géométrie dans la partie centrale du tableau de bord où campe à la verticale cette fois l'écran du système d'infodivertissement, sans doute l'un des plus réussis de l'industrie avec celui offert par Tesla. Cet écran tactile, bien pensé sur le plan ergonomique, peut être manipulé avec des gants, du fait d'une détection infrarouge.

La finition est élégante et est apparue un brin supérieure à celle de la XC90 dont la S90 est, comme nous le verrons plus bas, profondément dérivée.

On se glisse naturellement dans cette voiture, alors que certaines de ses rivales imposent à leurs occupants de se plier en deux et de s'installer au ras du sol. Les sièges, estampillés du drapeau suédois, offrent un confort exquis. Leur découpe dégage la vision de ceux qui, assis à l'arrière, peuvent étendre leurs jambes sans la moindre gêne, comme il sied à l'intérieur d'une limousine. Ce commentaire s'applique à deux occupants, le troisième se trouvera, lui, gêné par le tunnel central et par la protubérance de l'assise. Le coffre se situe quant à lui dans la moyenne de la catégorie.

Pilot Assist: bientôt vos services ne seront plus requis

Volvo revendique le fait d'exercer son activité dans « un créneau du créneau » du secteur automobile. Par conséquent, elle doit absolument mettre en exergue sa différence technologique pour se maintenir dans les bonnes grâces de son aimable clientèle.

À ce chapitre, elle ne déçoit pas les attentes et intègre de nombreuses technologies de sécurité, dont le Pilot Assist qui permet de rendre la conduite de la S90 semi-autonome.

Ce faisant, il est possible de rouler jusqu'à 130 km/h sans avoir à garder constamment les mains sur le volant ou les pieds sur les pédales. Voilà pour la théorie.

En pratique, ce dispositif n'est pas aussi sophistiqué qu'il en a l'air. 

Bien qu'il ne nécessite pas de suivre un autre véhicule pour établir un marquage de distance, ce système doit cependant être en mesure de « lire » les lignes de la chaussée (attention au sommet d'une côte), de détecter la présence de vos mains près du volant, sans quoi il vous invite à reprendre les commandes sans trop vous prévenir (un voyant lumineux s'affiche au tableau de bord et celui-ci n'est malheureusement doublé d'aucun avertisseur sonore).

Ça n'est pas encore comme ça. C'est une représentation futuriste.

Cette photo est totalement irréaliste : qui lit encore son journal sur papier ? 

À quoi ça sert vraiment ?

Interrogés sur les nombreuses limitations de cette aide à la conduite, les responsables de son développement mettent l'accent sur le fait qu'il s'agit d'« un dispositif semi-autonome et que l'attention du conducteur est requise en tout temps ». Quel avantage en retirera le propriétaire d'une S90 ? On se le demande. D'autant plus que Volvo exige toujours un débours additionnel pour nous faire bénéficier de capteurs d'angles morts.

Cela dit, le système City Safety, inauguré il y a quelques années par Volvo, propose une nouvelle avancée qui permet désormais de détecter des animaux de grande taille, et ce, de jour comme de nuit. Une innovation qui ne sera pas sans déplaire à de nombreux automobilistes d'ici.

Réalisée sur la plateforme modulaire SPA, laquelle servira à terme de base à pratiquement l'ensemble des Volvo, la S90 limite, au Canada à tout le moins, son offre à la seule version T6 à rouage intégral (quatre roues motrices).

Ça, par contre, c'est utile.

Gros 4-cylindres turbo

En gros, il s'agit essentiellement du même groupe propulseur que celui de la XC90, à savoir un quatre-cylindres suralimenté à la fois par un compresseur (bas régime) et un turbocompresseur (haut régime).

Un choix technique complexe qui ne manquera pas de faire saliver les amateurs de technique, mais qui risque de laisser les acheteurs de berlines de la haute un peu sur leur appétit. Ces derniers ayant l'habitude de se voir offrir, chez la concurrence, des moteurs de plus forte cylindrée.

Contre toute attente, cette S90 n'est pas sous-motorisée pour autant et son groupe propulseur permet de mouvoir décemment la tonne et trois quarts de l'auto. Relativement souple en ville et pas fainéant sur route, ce moteur se fait à peine entendre (sauf peut-être en phase d'accélération) grâce à la qualité de l'insonorisation et à l'étagement intelligent de la boîte à huit rapports. 

Seul reproche, sa consommation moyenne (10,4 L aux 100 km) est assez élevée.

Pas de tapage routier

Parfaitement suspendue, la nouvelle Volvo est impressionnante par son silence de fonctionnement et sa capacité à lisser la route, et ce, même avec les roues optionnelles de 20 po.

Cela ne la hisse pas au niveau des meilleures, mais on peut désormais oser une comparaison.

Malgré sa masse, la grande Volvo est maniable, vigoureuse et toujours accrochée à la route. La tenue de route est impeccable et les commandes sont douces, qu'il s'agisse de la direction (un peu légère tout de même) ou de la pédale de freinage. En revanche, et contrairement à ses rivales, la S90 n'aime pas être bousculée dans les virages qu'elle aborde toujours avec une certaine réticence.

Pas très enjouée

Pas très enjouée ni très participative, la S90 préfère se retrouver aux mains de conducteurs qui affectionnent une routière confortable et réconfortante. C'est plutôt mince.

Proposée à un tarif assez compétitif dans cette catégorie, la S90 ne prétend pas tout bousculer sur son passage. D'ailleurs, la direction de Volvo Canada préfère taire ses objectifs de vente. Mais cette voiture, condamnée à faire ses preuves, ne peut se satisfaire de passer pour une simple curiosité. Sa mission ne consiste pas seulement à flatter l'ego et assurer le confort psychologique de sa fidèle clientèle, mais à faire grimper Volvo dans l'estime des automobilistes.

Face à pareil défi, n'aurait-il pas été plus logique d'offrir d'emblée la version hybride à prise rechargeable T8 de la S90 (elle nous est destinée, mais Volvo ne peut dire quand), à la fois plus originale et plus singulière, pour se démarquer réellement face à la concurrence ? La question a été posée. Elle demeure sans réponse.

Les frais d'hébergement liés à ce reportage ont été payés par Volvo Canada.

Fiche technique - Volvo S90

Fourchette de prix : 56 000 $ à 63 000 $

Principales concurrentes : BMW Série 5, Lexus GS, Mercedes Classe E

Garantie de base : 4 ans / 80 000 km

Consommation réelle observée : 10,4 L/100 km

Pour en savoir plus www.volvocars.ca

TECHNIQUE 

Moteur : L4 DACT 2 L suralimenté

Puissance : 316 ch à 5700 tr/min 

Couple : 295 lb-pi entre 2200 et 5400 tr/min

Poids : 1785 kg

Rapport poids/puissance : 5,64 kg/ch

Mode : Intégral

Transmission de série : Automatique huit rapports

Transmission optionnelle : Aucune

Direction / Diamètre de braquage : Crémaillère /11,8 m

Freins av.-arr. : Disque / Disque 

Pneus av.-arr. : 245 / 45R18 (Momentum)

Capacité du réservoir / Essence recommandée : 60 L / Super

3 fleurs, 3 tomates

ON AIME 

Confort des sièges 

Habitacle valorisant 

Interface intuitive 

ON AIME MOINS 

Comportement routier peu inspiré 

Absence de la version T8 hybride au lancement 

Auto Pilot décevant