«Je n'ai plus de contrat, je n'ai rien. Je travaille toute la journée pour me trouver un volant, ici ou en Europe.»

Celui qui parle ainsi est champion en titre en catégorie GT Le Mans de la série Tudor United SportsCars, la principale série de course d'endurance en Amérique du Nord. Le pilote montréalais vient même de remporter les 24 Heures de Daytona en catégorie GT Daytona. Malgré ses succès, Kuno Wittmer n'a rien devant lui pour la saison 2015. S'il faut un autre exemple pour démontrer à quel point il est difficile de garder sa place en sport automobile, en voilà un patent.

L'automne dernier, Chrysler a annoncé sans prévenir qu'elle abandonnait le programme SRT Viper Motorsports. Wittmer, qui était dans l'écurie américaine depuis 2009, se retrouvait tout d'un coup sans emploi. «Ç'a été une grosse déception pour toute l'équipe, ça nous a fait mal, a avoué le pilote, joint par téléphone. Quand ils nous ont annoncé ça, en octobre, je n'avais rien de planifié. En juillet, les budgets avaient été approuvés pour la saison 2015, on pensait qu'on nous ferait signer un autre contrat d'au moins trois ans.»

À la suite de la victoire de Kuno à Daytona, l'un des premiers à transmettre ses félicitations au pilote québécois a été l'ex-Montréalais Ralph Gilles, directeur de Dodge Motorsports jusqu'à la fermeture de la division sport auto du constructeur américain. «On est encore très proches, on se parle toutes les deux semaines, a indiqué Kuno Wittmer, qui n'entretient aucune amertume envers son ancien patron. Ralph m'a bien fait comprendre que la décision était indépendante de sa volonté, que cela venait d'au-dessus de lui.»

Objectif 2016

Kuno Wittmer est encore à ce jour surpris de la décision de Chrysler, d'autant plus que les autres constructeurs américains sont plus que jamais présents en sport automobile. C'est donc naturellement vers eux que le pilote s'est tourné pour tenter de se trouver un nouveau volant, mais il était déjà trop tard. «J'ai eu plusieurs discussions avec Chevrolet et Ford, et aussi avec Porsche, a-t-il indiqué. Cette année, mon objectif est de trouver quelque chose de bon pour continuer à rouler, mais je travaille surtout dans l'espoir de me dénicher quelque chose de gros pour 2016.»

Kuno lorgne aussi la série américaine Pirelli World Challenge et serait prêt à rouler dans un cocktail de courses en 2015, mais il admet que son souhait le plus cher serait de rouler de nouveau aux 24 Heures du Mans, épreuve phare du Championnat mondial d'endurance (WEC), à laquelle il a participé en 2013. «Mon rêve ultime serait de rouler en LMP1, dans le WEC, a dit le pilote de 32 ans. Je pense que c'est devenu une très belle série, il y a même des écuries de F1 qui songent à faire le saut.»

Avec un CV comme le sien, Kuno n'est plus contraint de trouver des commanditaires, contrairement à bien des pilotes d'ici. Si un volant se libère, plusieurs équipes vont naturellement penser à lui. «L'idée est de trouver des écuries qui ont des disponibilités, explique-t-il. Actuellement, je concentre mes énergies sur la course de Sebring (deuxième étape de la série United SportsCars, NDLR). Mais si j'arrive au point où je n'ai pas trouvé de volant la veille de l'épreuve, je vais sauter dans un avion avec mon casque de course! Un malade ou une équipe qui montre la porte à un pilote décevant, ça arrive assez fréquemment!»

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Éclatante victoire à Daytona

La victoire obtenue à Daytona il y a deux semaines était donc une forme d'adieu pour Kuno Wittmer et son équipe, réunie à l'occasion de la course de 24 heures par Ben Keating, patron d'écurie, pilote gentilhomme et propriétaire de ViperExchange.com, le plus important détaillant de Viper au monde.

Partis derniers sur la grille de 53 bolides après avoir été contraints de changer un pneu au terme de la séance de qualification, les pilotes de la Viper GT3-R no 93 ont dépassé l'ensemble des voitures de catégorie GT-D, Wittmer prenant les commandes avec six heures à faire à la course.

Au final, l'équipe a terminé l'épreuve au 11rang du classement général, grâce à un remarquable sans-faute des cinq pilotes qui se sont relayés au volant - Al Carter, Cameron Lawrence, Dominik Farnbacher, Keating et Wittmer.

À noter que le Québécois Bruno Spengler a terminé deuxième en catégorie GT-Le Mans dans l'équipe BMW-Rahal-Letterman-Lanigan.