Les ventes de voitures électriques ont quadruplé en 2015 en Chine et devraient continuer de s'envoler malgré la fin annoncée de généreuses subventions publiques - un marché aux volumes limités et dominé par des marques locales, mais où se positionnent activement les constructeurs étrangers.

Dans des métropoles chinoises suffoquant sous une pollution endémique, les voitures à zéro émission sont encore rares, mais des groupes occidentaux y voient un futur eldorado.

Tout juste implanté dans le pays, Renault, qui vient d'ouvrir sa première usine à Wuhan (centre), y produira dès 2017 sa berline électrique Fluence ZE pour son partenaire local Dongfeng.

La Chine, premier marché automobile mondial, sera par ailleurs le parfait laboratoire pour lancer un véhicule électrique «à bas coûts», devenu «incontournable», a annoncé lundi son PDG Carlos Ghosn.

Un modèle susceptible de séduire ensuite d'autres marchés émergents - où les voitures ZOE et Leaf, conçues par Renault et son allié Nissan, sont selon lui trop onéreuses pour décoller.

Fin des subventions

«Le marché chinois de l'électrique reste à défricher» mais très prometteur, car «compte tenu des niveaux de pollution, le gouvernement n'a pas d'autre choix» que d'encourager son développement, estime Jean-François Belorgey, du cabinet EY.

Les modèles électriques ou hybrides permettent déjà d'échapper aux restrictions sur les nouvelles immatriculations et à la circulation alternée durant les pics de pollution, atout suffisant pour convaincre certains citadins.

Surtout, le gouvernement central subventionne l'achat de véhicules «propres» jusqu'à 55 000 yuans (11 600$ CAN), les autorités locales doublant souvent la mise.

Ce soutien, réservé aux marques chinoises, permet l'envol des ventes: 247 000 véhicules électriques en 2015, quatre fois plus qu'en 2014. S'y ajoutent 84 000 hybrides rechargeables, selon la fédération chinoise du secteur.

Seuls subventionnés, les groupes chinois écrasent le marché. En tête, BYD, spécialisé dans l'électrique et appuyé par l'homme d'affaires américain Warren Buffett.

D'autres constructeurs traditionnels suivent de près, dont BAIC ou Geely (propriétaire de Volvo), selon qui 90% de ses véhicules seront hybrides ou électriques d'ici cinq ans.

Mais les volumes commercialisés ne représentent encore qu'une goutte d'eau: à peine 1% des 24,6 millions de ventes l'an dernier en Chine.

Pékin s'est fixé l'objectif très ambitieux de 5 millions de véhicules «verts» sur les routes chinoises en 2020, mais s'inquiète désormais qu'une partie des milliards d'aides distribués partent en fumée.

Plusieurs médias ont ainsi rapporté des fraudes en cascade, certains constructeurs vendant des véhicules hâtivement assemblés ou de piètre qualité, dans l'unique objectif d'empocher les subventions.

La réaction officielle n'a pas tardé: le ministre des Finances Lou Jiwei a annoncé la semaine dernière l'ouverture de vastes enquêtes, réaffirmant que les subventions  seraient progressivement réduites et disparaîtraient après 2020... pour éviter que l'industrie en devienne «trop dépendante».

Effet d'entraînement

Les constructeurs étrangers avancent déjà leurs pions: l'américain GM développe pour la Chine certains modèles hybrides, comme sa berline premium Cadillac CT6. Ford va investir 4,5 milliards de dollars US (6,2 milliards CAN) dans l'électrique, lorgnant le marché chinois. Mercedes-Benz y commercialise déjà des modèles hybrides et Nissan une version de la Leaf.

Renault, lui, pourrait reprendre une plateforme existante en son sein ou chez Nissan pour développer sa voiture «à bas prix», qui pourrait se vendre dès 30 000 yuans (6300$ CAN). «Si cela réussit en Chine, cela marchera ailleurs», assure M. Ghosn.

Un décollage chinois «ferait mécaniquement baisser les coûts par l'effet d'échelle» des volumes produits, avec un effet d'entraînement pour le reste du monde, confirme M. Belorgey.

Les ventes chinoises de véhicules électriques, confinées à la portion congrue, pâtissent encore du manque d'infrastructures de chargement en dehors des grandes métropoles.

«Les ventes de véhicules purement électriques concernent pour moitié des bus» publics, sans compter les voitures des flottes officielles, indique à l'AFP Jia Xinguang, du cabinet China Automotive Industry Consulting. Pour lui, les hybrides rechargeables, plus à même de rassurer le grand public, pourraient reprendre l'avantage --une voie que privilégient justement les allemands BMW et Volkswagen.

Pas sûr toutefois, tempèrent certains experts, que la voiture «verte» permette de réduire efficacement l'étouffant smog chinois tant que le pays ne réduira pas sa dépendance au charbon: il en tire toujours plus de 70% de son électricité.