Québec veut inciter les constructeurs automobiles à vendre davantage de véhicules électriques et d'hybrides branchables. Le gouvernement fait donc suite à la possibilité évoquée l'automne dernier dans son Plan d'action en électrification des transports d'instaurer chez nous une loi « zéro émission » telle que celles déjà en vigueur dans 10 États américains.

Ainsi, dans le projet de loi déposé jeudi à l'Assemblée nationale, le gouvernement Couillard exigera des grands constructeurs qu'ils offrent un minimum de véhicules à émission zéro. Cela se fera par l'entremise d'un système de crédits échangeables, à la manière des droits d'émissions polluantes de la Bourse de carbone. 

« Le cadre réglementaire sera déposé à l'automne, mais la démarche s'inspire étroitement des normes en vigueur en Californie, a expliqué le ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, David Heurtel. Plus près de nous, les États de New York et du Vermont ont procédé de la même façon. On parle grosso modo d'une norme uniforme qui représente le tiers des automobiles vendues aux États-Unis. On y voit d'ailleurs déjà une augmentation de l'offre de véhicules branchables. »

Malgré que les dispositions finales soient encore à déterminer, le ministre Heurtel a reconnu que la valeur d'un crédit devrait ressembler à celle en vigueur en Californie, soit 5000 US$. L'objectif n'est donc pas de punir les constructeurs qui n'offrent pas de véhicules électriques : « On ne veut pas que le système soit coercitif, on cherche au contraire à accompagner l'industrie à proposer une meilleure offre au consommateur, a déclaré le ministre. Évidemment, cela va aussi permettre de mousser la notoriété des constructeurs, car le registre de crédits sera public, les gens vont pouvoir savoir qui sont les premiers de classe. »

Seuls les constructeurs qui ont vendu au moins 4500 véhicules légers au Québec au cours de trois années consécutives seront soumis aux dispositions de la loi, ce qui exclut tous les constructeurs haut de gamme à l'exception de Mercedes, Audi et BMW - le ministre Heurtel soutient toutefois que la loi touche près de 99 % des autos vendues au Québec. Par contre, un constructeur pourrait volontairement choisir de participer au système de crédits interchangeables.

Réactions positives

La satisfaction se lisait sur le visage des intervenants faisant la promotion des véhicules verts,  présents en grand nombre à la conférence du ministre, organisée dans un concessionnaire Chevrolet de Brossard. « La loi proposée aura un effet incitatif, car elle récompense les constructeurs qui mettent des efforts pour proposer des véhicules électriques branchables, a soutenu Mario Langlois, vice-président Coalition zéro émission Québec. Aussi, les constructeurs qui choisiront de simplement acheter des crédits à leurs concurrents pourraient éventuellement le regretter en fonction de l'évolution du marché automobile. »

Si M. Langlois donne l'exemple de Tesla pour démontrer qu'une telle loi peut s'avérer profitable pour certains - « En Californie, Tesla obtient 7 crédits chaque fois qu'elle vend un Model S; à 5000$ le crédit, cela fait 35 000$ par véhicule, ce qui est considérable », a-t-il démontré - il reconnaît que la valeur des crédits ne représente pas grand-chose dans le chiffre d'affaires d'un grand constructeur. Néanmoins, il soutient que c'est mieux que rien : « C'est tellement mieux que rien que les constructeurs concernés vont vouloir vendre leurs véhicules électriques chez nous! » a-t-il affirmé.

Et c'est justement l'objectif du projet de loi, qui vise à supporter l'ambitieux Plan d'Action en électrification des transports, avec à la clé la cible de 100 000 voitures électriques et hybrides rechargeables sur les routes du Québec en 2020.

Fonctionnement des crédits

Le nombre de crédits exigés de chaque constructeur sera déterminé en fonction du nombre de véhicules vendus par ce dernier. Chaque véhicule électrique et hybride branchable se verra attribué un certains nombres de crédits, les plus méritants seront les voitures 100% électriques ayant la plus grande autonomie. Les crédits pourront être échangés, vendus ou donnés. Le système entrera en vigueur pour les voitures de l'année-modèle 2018, mais les constructeurs pourront accumuler des crédits rétroactivement pour leurs modèles des années 2016 et 2017.