Le plus audacieux des raids en véhicules électriques a choisi la Patagonie comme terrain d'expérimentation: en l'occurrence, parcourir 5000 km de la pointe sud de l'Amérique jusqu'au nord de l'Argentine, un pays dépourvu de bornes de rechargement.

«C'est du sport automobile, mais c'est avant tout un défi technologique, car les batteries électriques n'ont pas l'autonomie de véhicules à essence. Cette aventure humaine, sportive et technique est exceptionnelle», explique le patron de The Green Expedition (L'expédition verte), Bruno Ricordeau.

Pour cette première édition, sept équipages ont pris le départ. Trois voitures, deux motos et deux vélos.

Le long de la cordillère des Andes, les concurrents ont rallié la ville de Salta depuis Rio Gallegos, jadis terminus des avions de l'Aéropostale pilotés par les Mermoz et Saint-Exupéry, en suivant la mythique Route 40, souvent empruntée par les pilotes du Dakar.

Mais le raid électrique n'a rien à voir avec le Dakar. Un excès de vitesse ou toute infraction au Code de la route fait par exemple perdre des points au classement général.

La bonne gestion de l'autonomie est la clé de la réussite.

Parrain de l'expédition, Eric Loizeau, qui navigue habituellement sur un catamaran solaire, goûte à l'aventure argentine au volant d'une Tesla. «Je connaissais le bateau électrique, en voiture, c'est la même impression, le silence. Des fois, on ne se rend pas compte qu'on roule», dit-il.

«On a 400 km d'autonomie par jour, il faut gérer, adopter une conduite économique, sans à-coup. Dans les descentes, on recharge la batterie en utilisant le frein moteur, c'est une expérience extraordinaire», poursuit le navigateur, surpris par la capacité de franchissement de sa berline, parfois malmenée sur les pistes.

Il a profité du raid pour enfourcher un vélo électrique. «C'est l'avenir, cela va ouvrir le périmètre du vélo à des gens qui n'en faisaient pas», prévoit-il.

Gérer la batterie

C'est une Renault Zoé qui a remporté la course auto devant une Tesla. «Mais le classement est symbolique, ce qui compte c'est l'expérimentation, l'expérience accumulée pour sortir le véhicule électrique de son usage urbain», selon Bruno Ricordeau.

«On a reçu partout un accueil incroyable, les Argentins sont des passionnés de voiture, mais ils n'avaient jamais vu de véhicules électriques, ils étaient souvent interloqués par les moteurs silencieux, ils ne pouvaient pas le croire», raconte l'organisateur.

Invités dans des écoles, des universités, dans une école d'ingénieurs, les participants au raid ont plaidé pour l'alternative électrique aux moteurs traditionnels.

Après l'étape, les pilotes de voitures se sont prêtés au jeu en faisant des 200 mètres départ arrêté avec des Argentins au volant de voitures à moteur traditionnel, ou en proposant un tour de ville aux curieux.

Au guidon d'une moto, Bastien Hieyte s'est fait quelques frayeurs en terminant plusieurs étapes avec son témoin de batterie à zéro. Quatre fois champion de France de trial, il s'est pris de passion pour la moto électrique.

«On a démontré qu'on pouvait parcourir 5000 km en trois semaines dans des régions avec une infrastructure électrique sous-développée», fait remarquer le motard de 31 ans.

«Ça été technique, plus que difficile, dit-il, je passe chaque jour entre 5 et 7 heures à 65 km/h de moyenne, le plus dur c'est de bien gérer l'autonomie de la batterie. On a 250 km d'autonomie en fonction du dénivelé, du vent, des accélérations, des freinages».

Par temps froid, la recharge est moins efficace, face au vent, la consommation est supérieure... Et les descentes permettent de recharger la batterie.

«Vendredi, souligne Bastien Hieyte, j'ai fait 260 km et il me restait 15 km à l'arrivée, ça représente un peu plus de deux euros d'électricité au tarif français, contre 20 euros avec un moteur thermique. L'électrique c'est l'avenir, ça fait peur aux pétroliers».