Alors que Tesla est aux prises avec des problèmes internes tels que des retards de production, un chef de la direction parfois erratique et une récente volte-face sur une éventuelle fermeture de son capital, ses concurrents attaquent avec dynamisme le marché des véhicules électriques de luxe.

Au cours des prochains jours, les constructeurs allemands Mercedes-Benz et Audi, la filiale de luxe de Volkswagen, présenteront tous deux des véhicules utilitaires sport (VUS) prêts à la production, qui se présentent comme des solutions de remplacement au Model X de Tesla.

Pendant ce temps, Jaguar Land Rover propose le VUS électrique I-Pace tandis que, un peu plus tard, Porsche s'attaquera à la voiture de luxe haute performance Model S de Tesla avec le Taycan, qui devrait arriver sur le marché vers la fin de 2019.

Les constructeurs automobiles établis ont de multiples motivations. Ils ont besoin de véhicules à émissions zéro pour respecter les limites plus strictes en matière de gaz à effet de serre qui entreront en vigueur en Europe en 2021. Le diesel est tombé en défaveur. Et la Chine, un marché de premier plan, fait pression pour obtenir davantage de véhicules électriques.

Mais les nouveaux modèles viseront également à reconquérir certains des clients de luxe attirés par les véhicules électriques de Tesla, à un moment où la société d'Elon Musk est minée par plusieurs distractions. Le 7 août, son chef de la direction a annoncé sur Twitter qu'il avait obtenu des fonds pour fermer le capital de Tesla, mais il s'est ravisé environ 17 jours plus tard en assurant que Tesla resterait publique.

Le constructeur automobile est également soumis à des pressions financières. Il devra effectuer un paiement de dette de 230 millions US en novembre, puis un autre de 920 millions US trois mois plus tard. Et il n'a que récemment atteint les cibles de production pour son véhicule grand public Model 3.

En attendant, ses concurrents - qui avaient mis plus d'efforts sur le diesel et les hybrides - sont finalement en train de déployer une série de modèles entièrement électriques. Leurs dernières offres sont un aperçu de ce qui s'en vient, explique le directeur du Centre de recherche automobile de l'Université de Duisbourg et Essen, Ferdinand Dudenhoeffer.

«D'ici 2020, Tesla devra s'être stabilisée sinon elle se sera fait dépasser», a-t-il prévenu.

De meilleures autonomies

Les nouveaux concurrents rivalisent maintenant au chapitre de ce qui a longtemps été l'un des principaux arguments de vente de Tesla: l'autonomie. Ainsi, le véhicule métis utilitaire sport EQC de Mercedes Daimler devrait pouvoir parcourir 500 kilomètres avec une seule charge. Cela se compare au VUS de Tesla, le Model X, dont l'autonomie peut atteindre 475 kilomètres. Le EQC, qui sera dévoilé le 4 septembre en banlieue de Stockholm, est le premier de la sous-marque Mercedes EQ qui regroupe les efforts de la société en matière de conduite électrique, connectée et autonome. Les représentants de la compagnie n'ont pas fourni de prix avant le dévoilement.

De son côté, Audi présentera son e-tron à San Francisco le 17 septembre. Il promet de rouler sur plus de 400 kilomètres avec une seule charge. La société affirme que l'e-tron devrait pouvoir utiliser des chargeurs à haute vitesse - s'ils sont disponibles - pour être rechargé en moins de 30 minutes. Le prix allemand sera d'environ 80 000 euros (environ 121 000 $ CAN); le véhicule devrait être mis en vente vers la fin de l'année en Europe et l'année prochaine aux États-Unis.

La Porsche Taycan devrait également être un concurrent de taille au Model S de Tesla en termes d'autonomie. Porsche prétend pouvoir charger en seulement 15 ou 20 minutes suffisamment de puissance pour franchir 400 kilomètres. L'entreprise n'a pas annoncé de prix. L'I-Pace, dont le prix commence à 69 500 $ US avant les incitatifs locaux et fédéraux, offre une portée de 470 kilomètres selon la norme européenne la plus stricte. L'autonomie du Model S, quant à elle, peut atteindre 540 kilomètres.

Le prix de départ du Model X de Tesla est d'environ 80 700 $ US, tandis que celui du Model S avoisine les 74 500 $ US.

Mais il ne faut pas conclure que Tesla reste immobile pendant la concurrence la dépasse. M. Musk a déclaré que la société avait l'intention de développer un Model Y, un petit VUS qui sera dévoilé au premier semestre de l'année prochaine - une catégorie de véhicules en croissance, dans laquelle d'autres constructeurs automobiles se lancent aussi rapidement qu'ils le peuvent.

Mais les ambitions de Tesla vont bien au-delà du marché des véhicules électriques de luxe. C'est tout l'intérêt du Model 3, qui vise le marché de masse avec un prix de départ de 35 000 $ US et une autonomie de 500 kilomètres. Mais là aussi, l'entreprise doit affronter des concurrents. Ces derniers comprennent la BMW i3 avec un prix de départ de 44 500 $ US et une autonomie de 185 kilomètres; la Nissan Leaf avec un prix de départ de 30 000 $ US et une autonomie de 245 kilomètres; et la Chevrolet Bolt avec un prix de départ de 37 495 $ US et une autonomie de 385 kilomètres.

Nissan promet une version à plus longue autonomie de la Leaf pour 2019 et, en 2020, Volkswagen prévoit lancer une version compacte de toute sa gamme de véhicules électriques ID.

Une tendance mondiale

Le réseau Supercharger de Tesla lui confère un avantage important face à ses concurrents. Le site web de la société indique qu'il dispose de 1332 stations de recharge rapide avec 10 901 unités de recharge dans le monde. Les voitures électriques d'autres constructeurs ne peuvent pas utiliser les stations Tesla et les stations de recharge publiques et privées sont sporadiques. Les constructeurs automobiles européens déploient leur propre réseau autoroutier à charge rapide dans le cadre d'une coentreprise, mais seules quelques stations sont opérationnelles.

Chris Hopson, le directeur de la prévision des véhicules légers en Amérique du Nord pour IHS Markit, croit que les constructeurs établis ne se tournent pas vers l'électricité uniquement pour répondre à Tesla, «mais à cause de tout un tas d'autres choses, avec Tesla en tête». Les nouvelles installations électriques servent «non seulement à accaparer certaines des ventes de Tesla, mais aussi à saisir la tendance mondiale vers les véhicules électriques».

La popularité croissante des véhicules électriques intervient également dans la foulée du scandale du diesel chez Volkswagen en 2015. La manipulation illégale de véhicules par la société pour tromper les tests d'émission a échaudé les consommateurs. La chute des ventes du diesel complique la tâche des constructeurs automobiles européens qui tentent de satisfaire aux exigences plus strictes en matière d'émissions qui entreront en vigueur dans l'Union européenne en 2021.

La Chine adopte également des règles pour obtenir davantage de véhicules électriques, en obligeant les constructeurs à s'assurer que 10 pour cent de leur parc de véhicules sera électrique en 2019. Les réglementations limitent les marques étrangères à environ quatre pour cent du marché. D'autres constructeurs automobiles tels que BMW, Ford et GM travaillent avec des partenaires locaux.

Les analystes James J. Albertine et Derek J. Glynn ne voient pas la concurrence comme une menace pour Tesla, «mais (comme) une validation de la technologie des véhicules électriques qui fera croître la part de marché mondiale des véhicules électriques, dont Tesla conservera probablement une part importante».

Photo Andy Wong, AP

Le VUS électrique I-Pace de Jaguar Land Rover