« VÉRITABLE RÉVOLUTION »La révolution des voitures propres a maintenant une date : 2040. C'est l'année à compter de laquelle il sera interdit en France de vendre une voiture diesel ou à essence, a annoncé hier le nouveau ministre de l'Environnement, Nicolas Hulot, qualifiant de « véritable révolution » ce changement de paradigme. « Les conditions sont là. Nos propres constructeurs [automobiles] ont dans leurs cartons de quoi alimenter et incarner cette promesse [...] qui est aussi un agenda de santé publique », a-t-il ajouté.

« TOUT À FAIT RÉALISTE »

Ce que propose le gouvernement français est « tout à fait réaliste d'un point de vue technologique », explique en entrevue Pierre-Olivier Pineau, professeur titulaire à la Chaire de gestion du secteur de l'énergie de HEC Montréal. « C'est dans plus de 20 ans. Même sans interdiction, c'est un scénario tout à fait envisageable. D'ici 2050, beaucoup de gouvernements entendent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 80 %. C'est tout à fait cohérent avec ça », dit M. Pineau, qui note que les véhicules de transport lourd ne sont pas visés par le projet du gouvernement français et pourraient en théorie fonctionner aux hydrocarbures après 2040.

1 % DES VENTES

Les voitures électriques représentent environ 1 % des ventes mondiales de voitures. Dans la plupart des pays, elles sont plus coûteuses à l'achat que les voitures à énergies fossiles, une réalité qui devrait s'inverser après 2025, voire plus tôt, note Frederic Lambert, rédacteur en chef d'Electrek, premier site de nouvelles sur les voitures électriques. « À partir de cette date, le choix d'un moteur à combustion serait le choix le plus coûteux, écrit-il dans une analyse récente. Une fois ce seuil franchi, les constructeurs automobiles pourront allouer l'ensemble de leurs ressources à leur secteur électrique. » Il cite en exemple Volkswagen, qui alloue aujourd'hui 10 milliards US à l'élaboration de modèles électriques, mais plus de 22 milliards à celle de modèles à énergies fossiles.

« JE VEUX MON VUS ! »

L'engagement de la France envers les voitures propres n'est pas unique : le gouvernement indien veut que toutes les voitures commercialisées sur son territoire soient électriques d'ici 2030, et la Norvège veut faire de même d'ici 2025. Or, la France est un grand producteur de voitures, et son engagement pèse lourd. Pour Pierre-Olivier Pineau, la popularité des VUS et des pick-up, qui demandent plus d'énergie pour fonctionner, pourrait toutefois nuire à l'adoption des véhicules électriques en Occident. « Il y a des effets de mode, les gens achètent des véhicules surdimensionnés. Ma crainte, c'est qu'il y ait une réaction populaire du type "Je veux mon VUS !". Dans 10 ans, la voiture électrique sera beaucoup plus accessible, mais le pick-up électrique ne sera pas aussi abordable que celui qu'on a aujourd'hui. »

POURSUITE CONTRE L'ÉTAT

L'air de Paris compte parmi les plus pollués des grandes villes d'Europe, et les millions de moteurs à combustion interne mis en marche chaque jour par les résidants en sont les grands responsables. Le mois dernier, Clotilde Nonnez, une Parisienne de 56 ans victime d'asthme et de bronchites chroniques, a intenté une poursuite de 140 000 euros (207 000 $CAN) contre le gouvernement français, qu'elle accuse de ne pas faire respecter les normes de qualité de l'air, une première. Le Code de l'environnement stipule que l'État est tenu de garantir « le droit à respirer un air qui ne nuise pas à la santé ». Chaque année, la mauvaise qualité de l'air est responsable de 48 000 morts prématurées en France.

Nicolas Hulot, ministre français de l'Environnement. Photo AFP