Les véhicules électriques sont tellement populaires que les fonds destinés aux subventions pour les acheteurs seront épuisés d'ici la fin de l'année, six mois plus tôt que prévu.

Le nouveau gouvernement de François Legault en profitera-t-il pour mettre la hache dans le programme Roulez électrique ? Les subventions à l'achat d'autos électriques sont critiquées par plusieurs experts, qui estiment que les fonds publics devraient être dirigés ailleurs pour une réduction plus efficace des gaz à effet de serre (GES).

Au 30 septembre, Roulez électrique avait accordé 220,2 millions à 60 300 acheteurs de voitures électriques et de bornes de recharge, sur un budget de 290,2 millions pour la période d'avril 2013 à juin 2019. Il reste donc 82,3 millions dans la cagnotte pour les neuf prochains mois.

Comme les ventes de véhicules électriques connaissent une hausse exponentielle, les demandes de subventions suivent la même cadence.

Pour les neuf premiers mois de 2018, les subventions totalisent 69,2 millions, pour 15 700 véhicules et bornes, comparativement à 47,3 millions pour 12 700 véhicules et bornes pour toute l'année 2017.

Les acheteurs d'autos électriques et hybrides rechargeables sont admissibles à une subvention de 3000 à 8000 $, selon le prix et la capacité de la batterie du véhicule, et de 600 $ pour une borne de recharge.

Si l'engouement se poursuit au même rythme, Transition énergétique Québec, qui administre le programme Roulez électrique, prévoit avoir épuisé ses fonds au début de 2019. « Nous devrons demander les budgets nécessaires au gouvernement, mais c'est une formalité administrative », assure Nathalie Desrosiers, porte-parole de l'organisme.

RÉDUCTION DES GES TROP COÛTEUSE

Or, en campagne électorale, le nouveau premier ministre François Legault a refusé de s'engager à maintenir ce programme. Et il aurait raison de l'éliminer pour le remplacer par des mesures plus efficaces, selon des experts pourtant favorables à la protection de l'environnement.

« Pour réduire les gaz à effet de serre, ces subventions n'ont pas l'impact désiré », déplore le professeur Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie à HEC Montréal. « Comme ce gouvernement s'est fait élire en promettant une bonne gestion des finances publiques, il ne devrait pas reconduire ce programme. »

Les réductions de GES découlant du remplacement de voitures à essence par leur équivalent électrique coûtent près de 200 $ la tonne au gouvernement avec les subventions actuelles, selon les calculs de M. Pineau. Or, une tonne de GES vaut 20 $ sur le marché québécois actuel, soit 10 fois moins, dénonce-t-il.

Et ces subventions contribuent à ajouter des véhicules sur les routes, alors que « le problème, c'est l'absence de contrôle sur l'augmentation du parc automobile, surtout les VUS », souligne le chercheur, qui plaide aussi pour une réduction des dépenses en construction de nouvelles routes.

Selon lui, il faut plutôt taxer fortement l'achat de gros véhicules - jusqu'à 100 %, comme en Norvège - et exempter de taxes les véhicules électriques. En plus de favoriser les changements de comportement par le développement de solutions de remplacement, comme les transports en commun, l'autopartage, le covoiturage, les taxis et les services tels qu'Uber.

« Il faut que les gens comprennent que s'ils veulent continuer de rouler seuls dans leur voiture, ils vont devoir payer plus cher à l'achat, pour le stationnement, pour l'essence. »

- Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l'énergie à HEC Montréal

Des études récentes de l'Institut économique de Montréal, dont une menée par l'économiste Youri Chassin, nouveau député de la Coalition avenir Québec, concluent aussi que les subventions pour l'achat de véhicules électriques sont du « gaspillage ». M. Chassin n'a cependant pas obtenu de responsabilités au sein du Conseil des ministres.

SUR LES TRACES DE DOUG FORD ?

Les adeptes de véhicules électriques espèrent quant à eux que François Legault n'imitera pas son homologue ontarien Doug Ford, qui a éliminé un programme similaire lors de son arrivée au pouvoir.

« C'est sûr que l'idéal est de ne pas acheter de voiture », convient Martin Archambault, porte-parole de l'Association des véhicules électriques du Québec. « Mais les véhicules électriques peuvent quand même faire partie de la solution. À court terme, ce n'est pas réaliste de penser que tout le monde va adopter les transports en commun. »

M. Archambault souligne que le budget de Roulez électrique provient du Fonds vert, financé par une taxe sur l'essence, dont les revenus atteindront 4 milliards d'ici 2020.

« Les subventions aux voitures électriques sont une goutte d'eau dans l'ensemble des programmes financés par le Fonds vert, dit-il. Avant de les faire disparaître, il faudrait commencer par utiliser tout l'argent qui dort dans le Fonds vert. »

Forte demande à Laval

À Laval, seule ville offrant une subvention de 2000 $ à ses citoyens pour l'achat d'un véhicule électrique, le budget prévu pour cette initiative a aussi été épuisé plus tôt que prévu. Au 1er octobre, 22 semaines après la mise en place du programme, la Ville avait reçu 163 demandes de subventions, alors qu'on avait prévu un budget pour 100 demandes. Laval a dû ajouter 400 000 $ pour répondre à la demande. La subvention lavalloise s'ajoute à celle de Québec.