Alors que le géant chinois BYD prépare une offensive nord-américaine tous azimuts dans le transport électrique, voilà que la Compagnie Électrique Lion, de Saint-Jérôme, le prend de court avec un camion commercial de Classe 8 conçu et assemblé au Québec qui sera officiellement sur les routes d'Amérique du Nord en octobre prochain.

On pourrait ajouter que tandis qu'Elon Musk, PDG de Tesla, pavoise avec ses projets de commercialiser un semi-remorque tout électrique quelque part au tournant de la prochaine décennie, Lion, elle, s'active puisqu'elle a également dans ses cartons le projet de vendre une version « tracteur » de son Lion8 électrique, d'ici 2020. Pouvant soutenir une charge de 27 000 kilos (60 000 livres, en incluant le poids du camion), le nouveau venu pourra remplacer certains modèles de semi-remorques effectuant des trajets sur de courtes distances, notamment en ville, où les enjeux liés à la pollution provoquée par le transport lourd gagnent en importance.

« Notre seule vraie compétition sera BYD, qui a une usine en Californie et qui vend déjà des autobus électriques, elle aussi. Vu l'intérêt tant du secteur privé que public, on n'est pas inquiets. Nous avons une capacité de production d'environ 1000 véhicules par an, mais on pourra agrandir au besoin », résume Marc Bédard, président de la Compagnie Électrique Lion.

Un marché imposant à conquérir

L'optimisme de l'homme d'affaires jérômien s'explique simplement : le marché ciblé par son nouveau véhicule représente tout près de 400 000 ventes par an, en Amérique du Nord, contre 30 000 ventes annuelles pour les autobus, le créneau qui a lancé Lion il y a quelques années.

Avec un prix de détail démarrant tout près des 300 000 $, le Lion8 mise sur un coût d'entretien et un coût énergétique de 60 à 80 % moins élevés que le moteur diesel pour convaincre les transporteurs d'opter pour l'électrique. Le Lion8 est vendu avec, au choix, de deux à six batteries de 80 kilowattheures chacune, faisant grimper son autonomie jusqu'à 400 kilomètres par charge, selon le fabricant.

Déjà, la Société des alcools du Québec a confirmé l'achat du premier exemplaire qui sortira de la chaîne de montage et garde une porte ouverte pour en commander davantage. Parmi les autres acheteurs potentiels, M. Bédard cite les livreurs de bière, les sociétés de déménagement, même Hydro-Québec, puisque Lion fait affaire avec des préparateurs qui peuvent adapter le véhicule aux divers besoins commerciaux d'éventuels acheteurs.

Électrifier le transport lourd, la clé

La Compagnie Électrique Lion n'est pas la seule société québécoise à offrir un camion commercial électrique. À Laval, la société Nordresa propose des véhicules un peu plus compacts, réalisés à partir de la plateforme de camions Ford et Isuzu. De façon plus générale, elle n'est pas la seule non plus à voir dans l'électrification du transport plus lourd une avenue de croissance prometteuse.

Dans le transport, les constructeurs automobiles font beaucoup parler d'eux avec des projets ambitieux d'électrification de leurs produits, mais de plus en plus, on découvre les avantages d'électrifier les véhicules les plus lourds, ce qui accélère la transition vers des sources énergétiques moins polluantes.

Au début de l'année, le fabricant d'équipement américain Caterpillar a fait tourner bien des têtes avec son excavatrice entièrement électrique. Dotée d'une pile de 300 kilowattheures, celle-ci promet une journée de travail entière entre deux charges. Mais surtout, insiste-t-on chez Caterpillar, adopter une telle excavatrice plutôt qu'un modèle au diesel équivaut, du point de vue des émissions polluantes, à retirer 24 voitures de la route.

À sa façon, le camion Lion8 aura un effet semblable là où il sera présent, espère d'ailleurs Pierre Fitzgibbon, ministre de l'Économie et de l'Innovation, présent lors de son dévoilement hier. Québec a d'ailleurs avancé 8,6 millions de dollars à Lion pour l'aider à mener à terme ce projet. « Nous misons sur des initiatives comme celle-ci pour réduire de façon novatrice et efficace les émissions de gaz à effet de serre au Québec », a ainsi déclaré le ministre.

La Compagnie Électrique Lion, qui emploie un peu plus de 140 personnes dans ses installations de Saint-Jérôme, se dit toutefois déjà profitable. Outre son fondateur Marc Bédard, elle compte deux principaux actionnaires, soit Énergie Power, filiale de la société financière Power, ainsi que le fonds XPND de l'homme d'affaires montréalais Alexandre Taillefer.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Laurent Duvernay-Tardif, ambassadeur de la Compagnie Électrique Lion, et Marc Bédard, président de l'entreprise