Sean Bratches, chargé des opérations commerciales du nouveau propriétaire de la Formule 1, le groupe américain Liberty Media, souhaite «faire tomber un peu du rideau d'exclusivité qui entoure» ce sport et en faire également un «spectacle» et une «marque».

Q: Liberty Media est aux commandes de la F1 depuis six mois. Comment les choses se passent-elles ?

R: «Fantastiquement. Pour ce qui est de la F1, la courbe d'apprentissage est vertigineuse, mais pour ce qui est du marketing et du commercial, nous sommes en plein dedans. La communauté a été très accueillante. Cela se voit à Londres (où était organisé mercredi un festival, «F1 Live London», au cours duquel les pilotes ont roulé sur un court circuit de rue, ndlr). C'est la première fois en 67 ans d'histoire de ce sport que toutes les équipes se retrouvent pour un événement en dehors d'un week-end de Grand Prix. Elles croient en notre vision.»

Q: Allons-nous voir d'autres événements de ce genre ?

R: «Nous allons voir plus de ces événements, à Londres et autour du monde. Nous voulons créer des festivals pour les fans dans les centre-villes et autour des Grands Prix. (...) Les impliquer, les toucher, faire tomber un peu du rideau d'exclusivité qui entoure la F1, leur en faire ressentir les sons, la vitesse, jusque dans leurs entrailles, c'est ce que nous essayons d'accomplir.»

Q: Jusqu'où souhaitez-vous faire la révolution ?

R: «Ce sera très remarquable et à de très nombreux niveaux. Sur les circuits, nous travaillons sur les zones réservées aux fans pour créer une ambiance de festival. Nous réénergisons les paddocks. Nous donnons par exemple des pistolets aux «grid girls» pour envoyer des t-shirts dans le public. Nous organisons des courses de célébrités. À Barcelone, nous avons choisi un fan et nous lui avons fait faire un tour dans une voiture biplace. (...) Nous développons également des contenus que les fans peuvent consommer en dehors des Grand Prix. Nous repensons entièrement nos plateformes digitales et lançons de nouveaux produits et services.»

Q: Avec l'objectif d'attirer le jeune public ?

R: «Nous pensons qu'il y a une immense opportunité d'impliquer la nouvelle génération de consommateurs via les plateformes et les applications qu'ils utilisent. Nous voulons leur offrir du contenu partageable, avant-gardiste, créatif, émouvant, qui raconte l'histoire que nous voulons raconter. Donc vous allez en voir plus sur le front du digital et des réseaux sociaux. Nous avons aussi donné aux pilotes, aux écuries et à nos sponsors la possibilité d'utiliser ces outils essentiels pour les fans d'aujourd'hui et de demain. Nos plateformes digitales vont être complètement repensées en utilisant les technologies les plus en pointe du marché. Nous sommes le sport le plus avancé en matière de technologies et il nous faut une plateforme qui représente cela.»

Q: Donner aux fans des possibilités d'agir sur la course, en votant pour offrir un avantage à un pilote par exemple, est-il une option ?

R: «Je ne pense pas que nous ayons besoin de quelque chose comme le «fan boost». Ca fonctionne très bien pour la Formule Electrique, mais la F1 a déjà suffisamment d'intérêt en laissant les équipes, les pilotes et les ingénieurs faire la course. Cela lui a permis de se faire une place unique au sommet des sports mécaniques, il faut donc être très prudents dans la manière dont nous commercialisons ce sport.»

Q: Une des raisons souvent évoquées pour expliquer le désintérêt du public est la diffusion des courses sur des chaînes payantes. Souhaitez-vous revenir là-dessus ?

R: «Vous ne pouvez jamais savoir comment ces négociations vont se passer avant qu'elles aient commencé. D'un point de vie stratégique, notre objectif est de panacher diffusions gratuites et payantes, mais tout peut arriver.»

Q: La F1 regarde-t-elle particulièrement vers l'Asie et l'Amérique ?

R: «Nous regardons avec intérêt ces deux marchés, qui sont d'après nous sous-exploités en termes d'exposition de notre sport et de notre marque. Le sport automobile, et la F1 en particulier, vont bien sûr être au coeur de tout ce que nous ferons à l'avenir, mais nous voulons évoluer vers une entreprise de spectacle et de marketing ainsi qu'une marque dont la F1 serait le centre. Nous pensons que cela fonctionnera très bien sur ces marchés mais aussi sur les marchés traditionnels (l'Europe, ndlr).»

Propos recueillis par Raphaëlle Peltier, de l'Agence France-Presse