(Vienne) Pilote de Formule 1 légendaire, survivant d’un terrible accident en course en 1976 et de plusieurs greffes, Niki Lauda, mort lundi à l’âge de 70 ans, était également un homme d’affaire avisé, magnat de l’aérien à l’humour caustique.

Parmi les hommages rendus à l’Autrichien mardi matin, après l’annonce de son décès, c’est peut-être l’ex-pilote de F1 Johnny Herbert qui en parle le mieux.

« Une véritable perte pour le sport et un trou béant dans nos cœurs, écrit le Britannique sur Twitter. Courageux, bavard et extrêmement drôle. Tu vas me manquer sur les paddocks de F1, mais la légende de Niki Lauda va continuer parce que tu étais un homme très, très spécial. Merci pour tous ces souvenirs. »

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Niki Lauda discutant avec un mécanicien Ferrari avant le GP de Monaco le 1er mai 1979.

S’il est une personnalité qui a mérité le surnom de « Phénix », c’est bien Andreas Nikolaus Lauda, dit Niki, né le 22 février 1949 dans une famille de la bourgeoisie d’affaires viennoise.

L'extraordinaire rivalité avec James Hunt en 1976

Le 1er août 1976, au milieu d'une saison épique qu'il dispute avec le Britannique James Hunt (McLaren), il est victime d’un terrible accident alors que sa Ferrari file à 220 km/h sur le circuit du Nürburgring en Allemagne. Il reste près d’une minute dans son cockpit en flammes avant d’en être extrait par trois concurrents.

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James Hunt et Niki Lauda regardent la pluie tomber avant le GP du Japon le 24 octobre 1976.

Les images font le tour de la planète, mais sa légende ne fait que commencer. Car six semaines après avoir reçu l’extrême onction sur son lit d’hôpital, le champion du monde en titre prend, à la stupéfaction générale, le départ du Grand Prix d’Italie.  

Il termine 4e, la cagoule ensanglantée ; ses lésions à la tête n’ont pas eu le temps de cicatriser. Puis il lutte pour le titre jusqu’à la dernière course avec le Britannique James Hunt, finalement couronné !

Un affrontement révélateur de son courage et de sa volonté hors norme, raconté en 2013 dans le film Rush de l’Américain Ron Howard.

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Dans cette photo prise le 12 septembre 1976, six semaines après son accident presque mortel au GP d'Allemangne, Niki Lauda annonce qu'il participera au GP d'Italie.

« Vu que mon métier dépend uniquement de mon pied droit (qui commande la pédale d’accélération, NDLR), mon apparence physique m’importe peu », disait Lauda, marqué à vie physiquement par son accident, avec son humour à froid caractéristique.

Passé maître dans l’art des retours réussis, le champion du monde 1975 et 1977 avec Ferrari quitte la F1 en 1979 pour mieux revenir en 1982 et s’offrir un dernier titre mondial en 1984 avec McLaren.  

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Niki Lauda ajuste son casque avant le GP de Monaco le 21 mai 1982.

Ce faux départ était lié à sa seconde passion : l’aviation civile. Pionnier du charter privé, il crée cette même année la compagnie Lauda Air, qu’il détiendra jusqu’en 2002.

Passionné d'aviation et gestionnaire prospère

Deux ans plus tard, l’homme d’affaires avisé, par ailleurs pilote de ligne confirmé, crée la très profitable compagnie low cost Niki, qu’il revend en 2011, avant de remettre la main dessus en janvier 2018.

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Niki Lauda posant dans le cockpit d'un de ses Airbus A 319 à Hambourg, en Allemagne.

Dernier coup de théâtre du « Phénix » : deux mois plus tard, il cède 75 % de ses parts à l’Irlandais Ryanair, nouveau bénéfice à la clé, puis l’intégralité de ses actions, tout en restant codirigeant de la compagnie, rebaptisée LaudaMotion, puis Lauda, tout simplement.

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Niki Lauda, qui avait 10 % des actions de l'écurie Mercedes, juste avant le GP d'Angleterre le 10 juillet 2016

Comme sur les circuits, ce parcours d’homme d’affaires a été marqué par un drame : le 26 mai 1991, le Boeing 767 assurant le vol Lauda Air Bangkok-Vienne s’écrase avec 223 personnes à bord en raison d’un défaillance technique structurelle. Il n’y a pas de survivant.

« Héros »

Connu pour son sens de l’économie-ses détracteurs allant jusqu’à évoquer une certaine avarice-, il séduisait ses collaborateurs davantage par le style décontracté et « pro » de ses compagnies que par les salaires versés.  

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Niki Lauda avant le GP d'Argentine à Buenos Aires le 12 janvier 1972.

Mais ce père de quatre enfants, issus de deux mariages différents, savait aussi se montrer désintéressé : en 1996, dans un Rwanda encore dévasté par la guerre, il avait piloté jusqu’à Kigali un avion d’aide humanitaire.  

Devenu président non-exécutif de l’écurie Mercedes en 2012, l’homme à l’éternelle casquette publicitaire rouge cachant à moitié ses cicatrices restait omniprésent sur les circuits de F1 jusqu’à la transplantation pulmonaire subie durant l’été 2018, après deux greffes de reins en 1997 et en 2005.

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L'ex-champion du monde Niki Lauda pose devant un Airbus A320 à l'aéroport de Vienne en 2003.

En dépit d’une image austère, qui lui a valu le surnom d’« ordinateur », il était apprécié pour son dévouement à son sport, son expertise et son franc-parler, déplorant notamment que la F1 perde « l’aspect combat de gladiateurs ».  

« Cher Niki. Merci pour tout ce que tu as fait pour moi, lui rend hommage l’Allemand Nico Rosberg, champion du monde 2016 avec Mercedes, sur Twitter. J’ai tellement appris de toi. Ta passion, ta combativité, […] et même ta patience avec nous, les jeunes. »

Avec lui, les sports mécaniques perdent un de leurs « héros », selon les mots de Jean Todt, président de la Fédération internationale de l’automobile.