(Akranes) Faire vrombir le moteur de son bolide avant de s’élancer à toute vitesse à la verticale sur les bords d’une colline pour assurer le show : en Islande, le torfaera enfièvre depuis plus d’un demi-siècle les spectateurs férus de sensations fortes.

PHOTO HALLDOR KOLBEINS, AFP

La compétition comporte généralement 6 à 8 pistes techniques sur la longueur de la colline et consiste à enchaîner les allers-retours vers le sommet en passant à travers une série de portes.

En cette fin d’été, le mont Akrafjall, surplombant la petite ville d’Akranes (à 40 km de la capitale, Reykjavik), s’est transformé en arène automobile le temps d’une journée. En guise de bitume : une terre rocailleuse parsemée de touffes d’herbe pour accueillir 19 buggies aux allures de Jeep.

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Des mécaniciens travaillent sur un moteur d'un des 4x4 très modifiés qui participent à la Formule torfaera. Ces compétitions ont lieu depuis un demi-siècle en Islande.

Connu sous le nom de « Formule tout-terrain » en français, torfaera signifie en islandais « conduite difficile » ou « route difficile ».

À l’aube de la quatrième des cinq manches que compte le championnat islandais, les bolides aux impressionnantes roues motrices surmontées de suspensions s’apprêtent à traverser les obstacles à la manière d’un motocross.

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Le pilote Thor Palsson grimpe un face quasi-verticale du Mont Akrafjall.

Au volant de Bomban (« la bombe » en islandais), Olafur Ingjaldsson semble nerveux au départ de sa première course.  « Mais ça va tellement vite que tu oublies tout », prédit-il.

Au moment de s’élancer, le pilote installé dans son siège réglementé a pour seules protections un casque, un harnais de sécurité et le toit de la cabine semi-ouverte de l’engin.

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Le sport est né en Islande au début des années 60. Des amateurs de 4x4 qui travaillaient alors pour les équipes de secours islandaises ont commencé à montrer de quoi étaient capables leur véhicule en action sur les collines islandaises.  

La compétition comporte généralement 6 à 8 pistes techniques sur la longueur de la colline et consiste à enchaîner les allers-retours vers le sommet en passant à travers une série de portes. S’arrêter sur la piste, toucher la porte ou faire une marche-arrière font automatiquement perdre des points.

Les plus habiles passeront sans encombre. D’autres voitures pointeront vers le ciel comme suspendues dans l’espace… avant de retomber sur le toit. Témoin du passage de chaque voiture : la projection de pierres et un nuage de poussière.

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Certaines voitures attaquant trop directement les pentes escarpées du circuit pointent vers le ciel comme suspendues dans l’espace avant de retomber sur le toit.

Succès national

Adresse, puissance et suspense vont se succéder sous les acclamations d’une foule de plusieurs milliers de spectateurs rassemblés tout autour de la piste.  

Le torfaera fédère un public familial en moyenne aussi nombreux que lors d’un match du championnat islandais de soccer à un prix équivalent (environ 2500 couronnes le billet, soit 26 dollars canadiens).

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« Le plaisir c’est l’excitation d’entendre le bruit et de voir des gens tenter ce qui semble impossible. »  

« Le plaisir c’est l’excitation d’entendre le bruit et de voir des gens tenter ce qui semble impossible »,  explique Tryggvi Thórdarson, président de l’Association islandaise de sport automobile, qui régit le torfaera.

Le sport est né en Islande au début des années 60. Des amateurs de 4x4 qui travaillaient alors pour les équipes de secours islandaises ont commencé à montrer de quoi étaient capables leur véhicule en action sur les collines islandaises.  

L’objectif était de récolter des fonds pour l’association des secours. Rapidement, une compétition a vu le jour entre différentes équipes de secours dans le but de concourir en tout-terrain.

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Les 4X4 sont pratiquement refaits pour leur augmenter leurs chances de survie lors des courses de montagne. Et ils requièrent souvent des réparations sur place.

Le premier championnat officiel en Islande s’est tenu en 1965 dans la vallée de Mosfellsdal, près de Reykjavík, la capitale.

La compétition a ensuite gagné en popularité à l’extérieur de ses frontières, particulièrement dans les pays nordiques, et jusqu’aux États-Unis. À ce jour, l’Islande revendique toujours la paternité de la Formule tout-terrain.

Chers bolides

Sur les flancs de l’Akrafjall, la voiture de l'équipe 16 baptisée Hekla, aux 1000 chevaux sous le capot, ne demande qu’à être lâchée.  

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Thor Palsson, champion 2018 de Formule Torfaera, à l'assaut du Mont Akrafjall, lors d'une compétition l'été dernier.

« Les pistes ne sont pas très longues et elles sont difficiles, il faut tourner, alors la vitesse n’est absolument pas une option », explique le mécanicien Arnar Bjarkarsson. Il faut donc dompter la bête. « Tout est une question de puissance. »

La recette du succès reste un secret de polichinelle : « plus on s’entraîne, meilleur on est », révèle simplement Thór Pálsson, vainqueur du championnat 2018.

Mais nombre de pilotes – tous amateurs – au départ de la grille sont loin d’avoir eu le temps de répéter leurs gammes.

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Plusieurs pilotes moins expérimentés comptent sur la chance. Il y a souvent de la casse.

Alors ils comptent sur un allié de taille : la chance. « Je dois y aller en douceur […], ça passe ou ça casse », explique Haukur Einarsson, pilote… et bassiste dans un groupe de rock à ses heures perdues.

Pousser le bolide dans ses retranchements tout en limitant la casse, c’est aussi la subtile équation que les pilotes doivent avoir en tête lors du départ.

Chaque engin coûte entre 5 à 15 millions de couronnes (de 50 000 à 160 000 dollars canadiens) dont 75 000 couronnes (800 $) pour les pneus seuls, couvert en partie par les commanditaires.

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Les véhicules reviennent souvent des courses avec des dommages. Celui-ci, appartenant à l'équipe 16 et baptisé «Heklaa», a seulement tordu un peu de tôle.

Tandis qu’au début des années 2000, les plus grandes chaînes de télévision internationales comme la BBC ou Eurosport s’intéressaient encore au torfaera, attirant plus facilement les commanditaires, la crise financière de 2008 qui a largement frappé l’île, a jeté un pavé dans la mare, rendant l'argent plus rare. Et les financements plus difficiles.