À moins de 40 jours du Grand Prix, les deux promoteurs privés se sont engagés pour une autre décennie. Les gouvernements risquent de se montrer plus frileux, cependant: leurs redevances sont en chute libre depuis 2010, a découvert La Presse. Un dossier de Karim Benessaieh et Philippe Cantin.

Les redevances versées par le Grand Prix du Canada à ses partenaires publics, en échange de leur contribution annuelle de 15 millions, n'ont cessé de décliner depuis la signature de l'entente en 2010. Cette ristourne calculée sur les revenus de billetterie de l'événement est passée de 4,7 à 3,5 millions, une baisse de 25%, selon les données obtenues par La Presse.

Mais pas question d'associer cette tendance à une baisse des assistances, réplique le promoteur montréalais du Grand Prix, François Dumontier. Les redevances versées aux quatre contributeurs - Tourisme Montréal, Québec, Ottawa et la Ville de Montréal - tiendraient en fait compte de certaines «dépenses admissibles», dont il refuse de dévoiler le détail.

Chaque année, l'organisation évalue l'assistance à 300 000 personnes pour la fin de semaine du Grand Prix. Ces données ne sont cependant pas officielles et n'ont jamais été validées.

Essentiellement, à partir de 2010, l'entente prévoyait qu'on redistribuerait 30% des revenus de tribune et d'admission générale, selon la contribution de chaque partenaire. Par exemple, le gouvernement du Québec, qui donne 4 millions sur 15 chaque année, a eu une ristourne de 1,3 million en 2010. Elle a baissé chaque année pour s'établir à 932 513$ en 2013. Les trois autres contributeurs ont également vu leur part de tarte fondre du quart.

Année 2012 difficile

Pour ce calcul, il faut tenir compte des «revenus nets», dit M. Dumontier, c'est-à-dire les revenus bruts aux guichets déduits de certaines dépenses. Celles-ci, de toute évidence, sont en constante augmentation.

«Il y a de l'inflation un peu partout. Je n'ai pas augmenté mon prix de billet depuis 2011, mais mes dépenses augmentent au fil du temps. J'ai des augmentations prévues de coûts contractuelles avec mes fournisseurs. Il faut que le monde s'assoie quelque part, et il y a de la promotion, effectivement. Il y a des dépenses sur lesquelles on s'était entendus dès le départ.»

Chaque année, argue-t-il, les comptes de son entreprise sont scrutés par un vérificateur choisi par la Société du parc Jean-Drapeau, au nom des quatre contributeurs. Le promoteur reconnaît que l'année 2012, notamment à cause du printemps érable, a été plus difficile. Mais il nie qu'il y ait une tendance continue à la baisse depuis 2010. «Je ne me suis jamais caché pour dire qu'en 2012, on avait eu une baisse de presque 12%. Ça ne veut pas dire que nous, au niveau de notre organisation, on a eu une baisse tous les ans de nos revenus de billetterie. (...) J'ai toujours un site plein.»

Mais les partenaires publics ne pourraient-ils pas s'irriter de voir leurs redevances fondre chaque année, s'il n'y a pas de baisse d'assistance équivalente? M. Dumontier leur renvoie la balle. «Ils ont fait un calcul qui était basé sur les redevances de TPS, de TVQ, d'impôts sur le revenu. Ils ont pris la décision d'investir parce qu'ils ont jugé qu'ils faisaient de l'argent. Je ne pense pas qu'ils avaient en tête des revenus de billetterie. Ce qu'ils voulaient, c'était de ramener le Grand Prix à Montréal.»

Une entente avec Ecclestone

Les retombées de l'événement pour la métropole québécoise sont inestimables, dit-il. «D'un point de vue télévisuel, d'image, il n'y a pas un gouvernement, une ville, qui est capable de se payer, faire un chèque à une agence de pub pour s'acheter une campagne de visibilité comme le Grand Prix peut offrir.»

Il rappelle que ce n'est pas lui, ni son entreprise Octane Management, qui a signé l'entente avec les quatre contributeurs, mais plutôt l'entreprise dirigée par Bernie Ecclestone, Formula One Management (FOM). «Je n'ai aucune entente avec les gouvernements. (...) Moi, je suis impliqué avec FOM, c'est mon contrat de promoteur. Je paie FOM pour avoir les droits du Grand Prix de Formule 1. Après ça, je loue le circuit Gilles-Villeneuve du parc Jean-Drapeau. Ce sont mes deux ententes.»

Il y a trois semaines, M. Dumontier avait publiquement sommé les gouvernements de signer la prolongation de contrat jusqu'en 2024. Celle-ci prévoirait notamment une indexation annuelle, de l'ordre de 4%, de la contribution de 15 millions. En entrevue, le promoteur s'est dit optimiste.

«Je pense qu'ils s'entendent tous. Ça a évolué beaucoup depuis le 9 avril. J'ai rencontré Denis Coderre (lundi) soir, je reste optimiste. J'aimerais ça annoncer une entente le plus vite possible.»

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Dumontier: «C'est déjà réglé avec Bernie»

Pendant que les partenaires publics se font attendre, les promoteurs privés ont déjà leur entente, indique François Dumontier. «Notre entente à nous, ça fait longtemps qu'elle est faite. C'est déjà réglé avec Bernie pour les 10 prochaines années, soit 2015-2024.»

Le promoteur montréalais a fait cette précision lorsque La Presse a évoqué les frictions qui existeraient entre les deux hommes. «C'est totalement faux. Comme dans n'importe quel contrat, de part et d'autre, tu veux améliorer ton sort, tu veux changer des clauses. Mais de là à dire qu'il y a un différend? Non.»

Bernie Ecclestone, le grand manitou de la Formule 1, «ne se gêne jamais pour aller sur la place publique quand il a un différend avec quelqu'un», rappelle Dumontier.

Principale demande de Formula One Management, l'amélioration des installations est maintenant estimée à «entre 30 et 32 millions» par la Ville de Montréal, a indiqué M. Dumontier. Le circuit Gilles-Villeneuve sera par ailleurs le septième à tester les nouveaux moteurs V6, qui ont suscité la grogne lors de leur présentation au Grand Prix d'Australie. Même Bernie Ecclestone a convenu que ces nouveaux moteurs hybrides ne faisaient pas assez de bruit.

«Je trouve que le son du moteur, son appréciation, c'est subjectif, dit François Dumontier. On arrive avec un V6, je suis plus partisan de regarder le développement technologique de ce moteur-là. À Montréal, selon les simulations de Mercedes, dans la ligne droite du Casino, ils vont être 18 km/h plus vite que dans le passé. Il y en a qui associent le son à la performance: la voiture va être plus performante, mais moins bruyante que dans le passé.»

Avec les anciens V8, il était «impossible d'avoir une conversation sur le site du Grand Prix quand il y avait des voitures en piste», rappelle-t-il. «J'y vois un côté positif: Saint-Lambert va moins se plaindre...»