La relation qu'entretiennent les constructeurs français avec l'Amérique du Nord est un rendez-vous manqué.

Au début du XXe siècle, les voitures françaises - surtout Renault - sont populaires et fiables. «Au Québec, pendant l'entre-deux-guerres, elles étaient les plus belles et les plus performantes», dit Richard Boudrias, membre du club Voitures européennes d'autrefois.

 

Après l'intermède du deuxième conflit mondial, les Français font leur retour au Québec, en Californie et dans l'Est américain. À partir de 1955, on importe massivement les Dauphine, 4CV, Panhard, 403 et autres DS. La liste des voitures qui se succèdent est longue et beaucoup sont bien reçues. Très bien, même. La Citroën DS et, plus tard, la Renault 5 (baptisée Le Car ou La Cinq) sont des succès.

 

Mais les années 70 marquent le début du départ des constructeurs français. Renault est alors celui qui a le plus investi en Amérique du Nord. Il a acheté American Motors Corporation en 1979, possédé Jeep, puis revendu le tout à Chrysler en 1987. Il est à l'origine des Le Car, Alliance, Encore, Médaillon et Premier. Il a possédé une usine dans la région de Montréal et des installations en Ontario. Renault a même revendiqué la paternité de l'Autobeaucoup de Chrysler.

 

Principale erreur

 

Comme beaucoup de constructeurs en Amérique du Nord, dans les années 70, Renault éprouve des problèmes de qualité en matière de mécanique, de sécurité, de pollution et de rouille. Problèmes qui perdureront au cours des années 80 et qui nuiront à son image.

 

Renault, comme les autres, n'a jamais su et voulu s'adapter au marché nord-américain. Il s'est, par exemple, entêté à ne pas offrir son "Chameau" avec une boîte automatique. «Il avait une voiture à succès qui se vendait comme des petits pains. Il a laissé la place aux Civic, aux constructeurs japonais», commente Gérard de Conty, ex-président de Voitures européennes d'autrefois.

 

Citroën a fait le même genre d'erreur. «Il a frôlé le succès en 1970 et en 1971 avec les DS 21. Elles se vendaient très bien et étaient très fiables. Citroën est assurément passé à côté de quelque chose», témoigne Gérard Larochelle, à l'époque directeur des ventes de Citroën SA pour la région de Québec. Les constructeurs américains imposent alors à la DS un toit soudé et non boulonné ainsi que de vrais pare-chocs. Citroën refuse et quitte l'Amérique en 1974.

 

«Citroën et les Français ne voulaient pas mettre de réels pare-chocs, d'antirouille, de boîte automatique et des chauffages, ils ne voulaient pas se battre contre les Américains», dit M. Larochelle, qui stigmatise l'incompétence des dirigeants de l'époque, de mauvaises décisions et un marketing inexistant.

 

Autre raison, les réseaux de distribution des constructeurs français étaient faibles en Amérique du Nord. Surtout celui de Peugeot. Pourtant, en 1977, le Lion a acheté Chrysler Europe et a pu écouler ici ses produits chez des concessionnaires Chrysler jusqu'en 1987. En vain. Les Français avaient «un réseau de concessionnaires vendeurs avant d'avoir un réseau de service après-vente», commente Alain Guillaume, président des Amateurs d'automobiles anciennes.

 

Peugeot a vendu ses derniers modèles en Amérique du Nord - des 405 et des 505 - en 1991. Renault Canada avait fermé ses portes depuis 1984. L'Alliance a été distribuée jusqu'en 1988, la Premier jusqu'en 1992 par les concessionnaires Eagle.

 

«L'adaptation au climat et au marché en général a été leur chant du cygne», pense Richard Boudrias. Le manque de vision des directions, l'absence d'études de marché et de marketing ont fait le reste. Le président-fondateur de Voitures anciennes du Québec, Gilbert Bureau, ajoute que le goût des Nord-Américains pour les grosses voitures a nui. «Les françaises étaient des voitures de pauvres», dit-il.

 

Chez les trois constructeurs, les personnes interrogées par Mon Volant ignorent aujourd'hui les raisons de cet échec...

 

Photo Archives Citroën

Citroën a frôlé le succès au Québec avec la DS, une voiture qui innovait dans plusieurs domaines. On la voit ici photographiée au chalet du mont Royal en 1965.

Photo archives La Presse

La Renault Alliance a été distribuée en Amérique du Nord pour la dernière fois en 1988. Ci-dessus, le modèle de 1983.

CHRONOLOGIE

 

Voici quelques modèles et dates emblématiques de la présence française en Amérique du Nord.

 

> 1900

- De Dion-Bouton est le plus grand constructeur d'automobiles du monde.

 

> 1906

-La première voiture française à être immatriculée au Québec est une De Dion-Bouton appartenant à Ucal-Henry Dandurand.

 

> Années 1910

-La Delaunay-Belleville est très prisée de la haute société.

 

> 1931

-À Montréal, Renault est le clou du salon automobile.

 

> 1955

-Arrivée des Renault Dauphine et 4CV.

 

> 1959

-Arrivées des Peugeot 403 et 404 et de la Citroën DS 19.

 

> Années 60

-Les Citroën 2CV et Ami 6, Peugeot 204, Simca 1000 et Renault 12 et 30 font leur entrée sur le marché nord-américain.

 





Photo Rémi Lemée, archives La Presse

Cette De Dion-Bouton 1902 de France est la première voiture immatriculée au Québec.

Photo Alain Raymond, collaboration spéciale

La Renault Dauphine est l'une des premières voitures françaises à avoir été exportées au Québec à partir de 1955.

> 1970

-Arrivées de la Citroën SM et des Peugeot 304 et 504.

 

> 1972

-La DS n'est plus vendue.

 

> 1974

-Citroën se retire du marché nord-américain.

 

> 1975

-Renault présente la version nord-américaine de sa R5: Le Car ou La Cinq.

 

> Années 80

-Renault investit les États-Unis avec l'Alliance (R9), l'Encore (R11), la Fuego, la Médaillon (R21) et la Premier (une proche cousine de la R25).

 

> 1984

-Renault Canada ferme ses portes.

 

> 1991

-Les 405 et 505 sont les dernières Peugeot vendues en Amérique du Nord.

 

> 1992

- La Premier est distribuée pour la dernière fois par les concessionnaires Eagle.

 

Photo Alain Raymond, collaboration spéciale

Rondeurs et taille en bouteille de Coca-Cola caractérisaient la Renault 4 CV.

Photo Wikipedia

Le Eagle Premier, proche cousine de la Renault 25, a été la dernière voiture d'origine française à être vendue en Amérique du Nord, en 1992.