Au Québec, le car spotting fait de plus en plus d'adeptes. Le principe ? Prendre en photo des voitures de luxe et partager les clichés sur les réseaux sociaux. Les passionnés de belles mécaniques passent parfois des journées entières à chercher la perle rare dans les rues, les événements et les stationnements. Tour d'horizon.

Quand il fait beau, Olivier Lessard-Huard, gestionnaire de médias sociaux de 21 ans, passe entre sept et huit heures par jour à arpenter les rues de Montréal. Cet aficionado des automobiles ne sort jamais sans son appareil photo Nikon ou son téléphone. Son but : photographier des voitures de luxe et partager ses clichés sur les réseaux sociaux. « La majorité du temps, je n'ai aucune idée de ce que je vais voir, explique le Montréalais. Le spotting est en grosse partie basé sur le hasard, mais il faut savoir où regarder, quoi photographier. »

Que ce soit lors de ses sorties pour se rendre au travail, au restaurant, ou pendant ses heures consacrées au car spotting, il est toujours à l'affût. Il cherche avant tout des voitures rares. « Pas nécessairement celles qui sont sorties en édition limitée. Certaines voitures sont rares parce que personne ne les a achetées, ou parce qu'elles n'ont jamais été vendues ici et qu'elles ont été importées par le propriétaire. Elles peuvent aussi être vieilles, donc plus rares. » Quant aux modèles de luxe qu'il croise régulièrement, il finit un peu par les ignorer. « Dans le centre-ville de Montréal, les Land Rover, les Maserati et les Bentley sont partout », précise-t-il.

Ses conditions pour faire une photo optimale ?

« Je préfère une journée où le ciel est plutôt couvert. Il ne faut pas que ce soit trop ensoleillé. Il est préférable d'avoir le moins de gens possible dans la photo et d'avoir de l'espace pour être créatif avec les angles. »

- Olivier Lessard-Huard

Ce passionné d'automobiles et de photo aimerait un jour aller à Londres ou à Monaco, villes réputées pour le car spotting.

Cela fait cinq ou six ans qu'il s'adonne à cette activité. Il est l'un des car spotters les plus influents au Québec et il est suivi par plus de 1500 personnes sur son compte Instagram @Olivierlessphoto, où il publie des photos retravaillées. « Quand j'ai commencé, il n'y avait que très peu de gens qui en faisaient, mais en ce moment, il y a une énorme communauté, observe-t-il. De nouveaux spotters font leur apparition chaque été. » Aujourd'hui, le groupe Facebook Montréal Car Spotting réunit plus de 6600 membres et la page Facebook Spotted Cars Québec affiche 11 900 « J'aime ».

Événements et stationnements

Chaque année, la communauté attend un événement avec impatience : « La semaine où se déroule le Grand Prix de Formule 1 à Montréal, s'enthousiasme Jacob Kostka. C'est vraiment le meilleur moment de l'année pour voir des supercars. Des gens viennent même des États-Unis pour le spectacle. Cette année, j'y ai vu la voiture de mes rêves, la Koenigsegg Agera RS. »

Ce voiturier de 20 ans a créé sa page Facebook Montreal Cars, qui affiche plus de 17 000 « J'aime » aujourd'hui. Il a commencé le car spotting à 15 ans. Curieux, il a passé des journées à vadrouiller dans Montréal à vélo. Pour photographier des véhicules rares, il explique que les mordus les plus audacieux vont jusqu'à s'introduire illégalement dans des stationnements de résidences privées. « Je pense que chaque car spotter a fait ça au moins une fois », dit-il avec un sourire. 

Comme d'autres chasseurs de voitures, il est allé dans des stationnements d'hôtels de luxe, après avoir demandé l'autorisation, ou en y entrant comme un client.

Quiconque entre sans permission sur une propriété privée s'expose à des démêlés avec la justice. Or, il est tout à fait possible de s'adonner à sa passion en toute légalité. Jacob Kostka recommande ainsi de se tenir au courant des soirées organisées par les concessionnaires. « La plupart des soirées sont privées, mais comme quand on attend ses sportifs préférés après un match ou une épreuve, on peut attendre à l'entrée. »

Une communauté bien accueillie par les propriétaires

« Montréal est le meilleur endroit au Québec pour voir régulièrement de belles voitures, pense Alan Gamester, car spotter de 37 ans. Mais on peut aussi en trouver à Québec, à Laval, à Mont-Tremblant. On peut également croiser le Montreal Exclusive Car Club en vadrouille. » Ce club a été créé en 2010 par Sam Madi, propriétaire d'une Lamborghini Huracán Performante orange. Il rassemble aujourd'hui 200 propriétaires de voitures exotiques. Une fois par mois, ils sortent, en groupe d'une vingtaine ou trentaine de voitures, sur les routes du Québec. L'idéal pour les car spotters. « Une voiture toute seule, ça fait de l'effet. Quand il y en a 25, disons que ça frappe encore plus fort », accorde Sam Madi.

Photo Andre Pichette, La Presse

« N'ayez pas peur de consacrer du temps à votre passion, malgré le regard des gens qui pensent que ce ne sont que des bouts de métal », estime Jacob Kostka, car spotter de 20 ans.

Les propriétaires de voitures connaissent bien les car spotters, qu'ils croisent régulièrement. Le club a d'ailleurs créé un groupe WhatsApp pour prévenir ces derniers en cas d'événement ou de sortie. « C'est le fun, c'est pratique pour eux et ça nous donne de la visibilité. » Il explique que « les car spotters sont vus d'un bon oeil par les propriétaires » : « Ils sont très respectueux, passionnés, s'intéressent et posent des questions. Les vrais amateurs sont tous passés par là... Mais à l'époque, sans les réseaux sociaux ! », sourit-il.

À votre tour

Tous peuvent s'adonner au car spotting dans les rues de Montréal ou d'ailleurs. Il faut s'armer d'un peu de patience, certes, et respecter, on ne saurait trop insister sur cet aspect des choses, la loi et les propriétaires des beaux bolides. Voici les conseils de pros.

Pour débuter

« Tout ce dont on a besoin, c'est un appareil photo ou un téléphone, un sac à dos et de bonnes chaussures », explique Alan Gamester, car spotter de 37 ans. Il s'adonne à cette activité les fins de semaine et y passe souvent la journée, marchant en moyenne 30 km. Jacob Kostka, car spotter de 20 ans, ajoute : « N'ayez pas peur de consacrer du temps à votre passion, malgré le regard des gens qui pensent que ce ne sont que des bouts de métal. »

Suivre la communauté

Sur les groupes Facebook voués au car spotting, les adeptes misent davantage sur l'entraide que sur la compétition. Ils partagent régulièrement en direct l'emplacement d'une voiture qu'ils viennent de repérer, pour que d'autres puissent en profiter et la voir s'ils sont dans les parages.

Être stratégique

Les car spotters ont souvent leur lieu de prédilection, où ils sont sûrs de croiser des « supercars ». Le terrain de jeu préféré d'Olivier Lessard-Huard à Montréal ? Le rectangle formé par les rues Guy, McGill, le boulevard René-Lévesque et la rue Sherbrooke. Entre boutiques et hôtels de luxe, c'est l'endroit idéal où apercevoir de belles autos.

Être attentif

Alan Gamester recommande d'être attentif aux sons et de bien connaître les environs. C'est parfois ainsi qu'il repère des autos. « Par exemple, j'ai entendu une Lamborghini V12 lorsque j'étais coin Guy et Sainte-Catherine. J'ai compris qu'elle se dirigeait vers Holt Renfrew, où je l'ai trouvée. »

Respecter la vie privée

Alan Gamester sait qu'il y a aussi de belles voitures à Blainville, mais celles-ci ne finissent pas sur son fil Instagram. « Pour beaucoup, par respect de la vie privée, on préfère ne pas prendre ces voitures en photo, car elles sont garées devant la résidence de leur propriétaire. On ne veut pas être des paparazzis de voitures. » En outre, lorsque les propriétaires le leur demandent, les car spotters masquent les plaques d'immatriculation.

Photo fournie par Jacob Kostka

Lamborghini Aventador photographiéŽe par Jacob Kostka