Un véritable roman-savon que l'histoire d'Aston Martin, ponctuée de dizaines de ventes, de reventes et de quasi-faillites. Mais la célèbre marque de Gaydon, en Angleterre, a survécu à ces bouleversements et a émergé au XXIe siècle avec une ténacité que l'on pourrait comparer à celle de la famille qui règne sur la Grande-Bretagne depuis quelques siècles.

Lionel Martin et Robert Bamford s'associent en 1912 pour vendre des voitures de marque Singer. Grand amateur de course, Martin participe souvent alors aux courses de côte à Aston Hill et persuade son associé de créer leur propre voiture sur base d'Isotta-Fraschini 1908 animée par un moteur Coventry-Simplex. Ils la baptisent Aston Martin.

Interrompues par la Première Guerre mondiale, les activités d'Aston Martin ne reprennent qu'à la fin du conflit. Le premier changement de propriétaire survient en 1920 au départ de Bamford, remplacé par le comte Louis Zborowski - et son compte de banque. C'est aussi à cette époque que la marque se lance en course au Grand Prix de France. À la fin de l'année 1920, la société change de nouveau de propriétaire, ce qui ne l'empêchera pas de fermer ses portes en 1926 avec le départ de Lionel Martin.

Passons outre les péripéties qui ont suivi, puisque Aston Martin reprend vie et parvient même à se distinguer en compétition. Mais d'autres problèmes financiers mènent à l'arrêt des opérations jusqu'au début de la Deuxième Guerre.

David Brown, le sauveur

En 1947, le salut arrive avec Sir David Brown qui donne ses initiales DB à une série aujourd'hui mythique que sont les DB2 (1950), DB2/4 (1953), DB2/4 MkII (1955), DB MkIII (1957) et la divine DB4 (1958) dotée d'un moteur 3,7 litres habillée d'une séduisante carrosserie italienne en aluminium signée Zagato, et qui signale le début d'une longue association entre Aston et le designer italien.

C'est avec la DB4 qu'Aston Martin affirme son caractère sportif et se mesure aux meilleures voitures de l'époque. À la DB4 succède la fameuse DB5, une authentique «grand tourisme» rendue célèbre par un certain Bond... James Bond.

Notons que les DB nées entre 1954 et 1965 sont animées par le superbe six-cylindres en ligne entièrement en aluminium signé Tadek Marek (1908-1982), ingénieur d'origine polonaise établi en Angleterre en 1940. C'est ce moteur qui a propulsé la DBR1 de Roy Salvadori et Carroll Shelby sur le podium aux 24 Heures du Mans en 1959.

Photo Adam Swank, prints.swankmotorarts.com

L'Aston Martin DBR1/21 957, gagnante des 24 Heures du Mans en 1959.

Photo d'archives Alain Raymond, collaboration spéciale

Afin d'alléger au maximum DB4 GT, Zagato a fait supprimer tous les éléments non essentiels comme les pare-chocs en chrome et le bois du tableau de bord.

Ford l'achète puis la revend

La valse des reventes reprend en 1972 et Aston Martin aboutit finalement chez Ford en 1987 et place Aston au sommet de son Premier Automotive Group, en compagnie de Jaguar, Volvo et Land Rover. Grâce à l'injection de billets verts, Aston Martin se modernise et passe de l'ère artisanale à la production en série. En 1998, la 2000e DB7 voit le jour, suivie en 2002 du 6000e exemplaire, soit plus que toutes les DB antérieures réunies. Notons que la gamme DB7 s'enrichit d'un V12 avec la Vantage et la Vanquish.

Visant à élargir sa clientèle et faire concurrence à la Porsche 911, Aston Martin dévoile au salon de Detroit 2003 la séduisante AMV8 Vantage, surnommée la «petite Aston», l'une des plus agiles Aston et sans doute l'une des plus belles aussi. Précisons que depuis 2000, la société est dirigée par l'Allemand Ulrich Bez, ingénieur de formation et ex-pilote qui réussit à conserver le charme et la tradition toute britannique tout en renouvelant et en modernisant la gamme.

Mais la situation s'est détériorée en Amérique en 2006 et Ford, à l'instar de deux autres «ex-grands» américains, cherche désespérément à assainir ses finances. Résultat: exit Aston Martin, au profit de David Richards, l'ancien patron des écuries de Formule 1 Benetton et BAR, associé dans la transaction à un groupe d'investisseurs comptant deux entreprises koweïtiennes.

La nouvelle direction, toujours menée par Ulrich Bez, dévoile alors la Rapide, une berline sport de luxe qui rivalise de beauté avec tout ce qui s'est fait à ce jour. Et puisqu'il faut être fidèle à la tradition, même si la retenue était peut-être de mise, Aston Martin se renouvelle une fois de plus en cédant il y a quelques semaines près de 40 % de ses actions à Investindustrial, un fonds d'investissement italien.

«Nous sommes ravis de l'apport d'Investindustrial qui va nous permettre de réaliser nos plans d'avenir», a déclaré le PDG Richards le 7 décembre dernier. Reste à savoir si ce nouvel investisseur a suivi l'exemple de David Brown en 1946, qui avait acheté Aston Martin après avoir lu dans le Times l'annonce: «Constructeur de voitures sport à vendre.»

Photo fournie par Aston Martin

L'Aston Martin Rapide.