En 2001, Joao Felipe Heck quitte son Brésil natal pour venir parfaire ses études aux Hautes Études Commerciales de Montréal. Après avoir fondé une petite entreprise de construction de maisons motorisées dans son pays, il décide, avec sa conjointe, de changer de vie. «Si le Canada ne nous plaît pas dans cinq ans, de dire cet aventurier à la femme de sa vie, nous irons voir ailleurs». Évidemment, le pays lui a plu. Il est resté chez nous où, avec le temps, il est devenu le vice-président d'une société de location de véhicules, Location Jean Légaré.

Toutefois, Joao Felipe avait laissé un amour derrière lui, une Dodge Charger R/T 1976 qu'il avait achetée, usagée, en 1989. Tout ce temps, c'était son propre père qui s'en était occupé, la faisant rouler une fois de temps en temps. En 2007, Joao était reçu comme immigrant canadien et en 2008, il décidait de faire venir sa Charger au Canada par conteneur. Ce faisant, il faisait entrer au pays une voiture unique, peut-être la seule du genre en Amérique du Nord.

Car, voyez-vous, la Charger R/T de Joao est un produit exclusif au marché brésilien. C'est un modèle qui a été créé uniquement pour ce marché local de 1969 à 1981, selon notre interlocuteur. Contrairement aux Charger que nous avons connues, cette version brésilienne est basée sur une carrosserie de Dodge Dart de l'époque. De l'extérieur, elle affiche le look de la Dart, mais sa calandre est totalement différente. De plus, les arcs-boutants du toit ont été allongés avec des pièces de métal, ce qui a nécessité l'ajout d'un toit de vinyle pour camoufler les soudures (ce qui, toutefois, devient une source de rouille, même au Brésil). Outre ces détails d'importance, la Charger brésilienne a des feux arrière spécifiques, une finition spéciale au coffre et des décalques originaux.

Sous le capot, se trouve un V8 Chrysler de 318 pouces cubes (5,2 litres), un moteur bien connu des amateurs de la marque, ce qui a permis à Joao de l'équiper de pièces de performance facilement trouvables chez nous. Ce moteur de 230 chevaux est combiné avec une boîte manuelle à quatre rapports, mais ce n'est pas spectaculaire pour le marché brésilien car, à cette époque, toutes les voitures au Brésil étaient à boîte manuelle. Sauf pour l'instrumentation, le tableau de bord est semblable à celui d'une Dart américaine.

Une restauration...

pas si facile


Joao a finalement reçu sa Charger R/T par conteneur en plein hiver. Première surprise, le moteur refuse obstinément de démarrer au froid. Qu'importe, notre amateur brésilien n'a pas l'intention de conduire son auto en hiver.

Dès le printemps, Joao, qui habite maintenant à Dorval, n'hésite pas à remettre sa Charger sur la route. Il s'en sert pour se rendre au travail. Mais le temps fait son oeuvre. Le différentiel fait des siennes. Il faut alors le remplacer. Facile, de Dart à... Dart? Non! La Charger brésilienne n'a pas le même pont arrière. Il est plus faible.

Notre ami passe alors à un «véritable» pont de Dodge Dart. Mais les roues d'origine ne font plus. Selon M. Heck, à cette époque, Chrysler do Brasil utilisait des pièces du constructeur français Simca (Société industrielle de mécanique et carrosserie automobile), ce qui exigeait des jantes dont la configuration des trous affichait un écart de 4,25 pouces entre les trois écrous. Les jantes de Chrysler en Amérique du Nord ont un écart de 4,50 pouces entre les trois écrous. Pour tout équilibrer, Joao a dû changer les axes de fusée à l'avant afin d'obtenir la norme américaine à l'avant comme à l'arrière. Avec cela est venue la demande de freins tout nouveaux, ce qui a obligé notre ami à opter pour des ensembles américains Wilwood et les jantes nord-américaines des Dodge! Toutefois, Joao a retenu l'unique système de servodirection ZF avec assistance progressive qui venait avec la Charger brésilienne.

Il se peut fort bien que vous voyiez Joao Felipe avec sa Charger sur les routes montréalaises. Il n'a pas l'intention de la garder à ne rien faire dans son allée de maison (l'auto n'est pas dans un garage). Il l'utilise plus souvent qu'à son tour, même pour se rendre au travail. Joao est un mordu de l'auto. Il est donc membre de l'association canadienne des propriétaires de Mopar (nom donné aux véhicules de Chrysler, CMOA). Et il participe aussi aux expositions locales!