L'arrivée du constructeur automobile PSA Peugeot-Citroën dans le capital de Communauto est le premier jalon d'un retour des Français en Amérique du Nord. Il va falloir patienter cependant avant de voir les fruits de ces « fiançailles » dans le paysage automobile québécois. Explications.

UN MARCHÉ EN MUTATION

C'est l'une des tendances observées au plus récent Mondial de l'auto à Paris.

Les constructeurs doivent s'adapter aux nouveaux comportements de leurs clients qui délaissent la propriété pour le partage de véhicules, comme l'a expliqué dans une entrevue à La Presse Christian Sere Annichini, directeur de la division Mobilité Monde au sein du groupe PSA : « Les clients basculent de plus en plus de l'achat et de la détention d'un véhicule vers l'usage d'un véhicule partagé. C'est une tendance très claire, il y a une croissance constante. On n'est pas dans une tendance encore majoritaire. On observe cela dans les grands centres urbains, partout dans le monde. Cette évolution va s'accélérer au fil du temps. On n'est pas inquiets. On ne pense pas qu'il y ait une diminution du marché des véhicules, on voit beaucoup plus une utilisation différente. »

Le Mondial de l'auto de Paris a montré l'apparition de créneaux de plus en plus spécifiques. Photo: AFP P

DES PARTS DANS COMMUNAUTO

Conséquence, le groupe PSA a créé une nouvelle division d'activités, « Services connectés et Mobilité », tout en conservant son mandat premier de constructeur automobile.

PSA a investi 100 millions d'euros dans cette stratégie. Dont une part - inconnue - a permis de devenir actionnaire minoritaire de Communauto, l'entreprise québécoise d'autopartage. « On veut développer cette nouvelle branche [de la mobilité partagée] avec Communauto. On ne peut pas le faire tout seul de notre côté. [...] L'objectif est de se rapprocher de gens qui ont cette expérience et ce savoir-faire. PSA a une approche très humble de ces nouveaux domaines. [...] Il y a une ambition de développement mondial dans les services de mobilité », explique Christian Sere Annichini. « Les constructeurs voient qu'ils peuvent aussi offrir des services comme l'autopartage ou les services de flottes d'entreprises », appuie Benoît Robert, président-fondateur de Communauto.

Peugeot-Citroën s'est contenté d'une participation minoritaire dans Communauto. Photo: Robert Skinner, La Presse

LES CHANGEMENTS POUR COMMUNAUTO

Sans cette entrée de PSA à son capital, annoncée il y a trois semaines, Communauto n'aurait pu s'implanter en Ontario en achetant Vrtucar.

« Ça nous permet de consolider notre marché, explique Benoît Robert. On va maintenant de Kingston à Halifax. Ça va aussi nous aider à livrer ce que la Ville de Montréal veut, des voitures électriques en libre-service. On doit faire des pas vers l'électrification, mais c'est coûteux. [...] Ça nous apporte également des capitaux pour des projets réalisés ensemble à l'international. [...] PSA peut nous apporter du financement aussi, de l'assurance, un soutien logistique. » Communauto a ouvert son capital à un autre partenaire minoritaire, le fonds d'investissement montréalais MacKinnon Bennett & Co. La prise de contrôle totale de Communauto par PSA est « possible », à terme. « Ce sont des fiançailles. On va voir comment ça va aller », avance prudemment Benoît Robert.

Benoit Robert, president de Communauto, devant des voitures de la compagnie. Il n'y aura pas de Peugeot ni de Citroën dans son parc automobile de sitôt. Photo: Alain Roberge, La Presse

NI PEUGEOT NI CITROËN À MONTRÉAL TOUT DE SUITE...

Cette arrivée de PSA au sein de Communauto ne signifie pas que l'on verra dans les rues de Montréal ou de Gatineau des voitures Peugeot ou Citroën au cours des prochains mois.

« Notre objectif est d'être opérateur de services. On est focalisés sur le fait de rendre service au client. On a investi dans d'autres sociétés en Europe, Koolicar et TravelerCar, qui font du partage entre particuliers », précise Christian Sere Annichini. Le Groupe PSA lorgne également du côté de Los Angeles où il veut investir dans une entreprise californienne d'autopartage. « En Amérique du Nord, avant de fournir nos véhicules, il faudra d'abord homologuer les véhicules pour ces marchés-là, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Vous ne verrez sans doute pas de véhicules PSA demain matin dans les rues de Montréal », rappelle le directeur de la division Mobilité Monde du constructeur français.

Cet employé de l'usine de montage PSA de Sochaux, dans l'Est de la France, n'assemblera pas de voitures destinées au Québec avant plusieurs années. Photo: AFP


... MAIS UN RETOUR PROGRAMMÉ

Le retour des marques Peugeot et Citroën en Amérique est cependant bel et bien programmé. Il figure dans le dernier plan stratégique de PSA présenté en avril.

Un dirigeant a déjà été désigné pour organiser ce retour. « Vous ne pouvez pas entrer sur le marché nord-américain si vous ne connaissez pas précisément les attentes des consommateurs américains. D'où le fait que nous avons annoncé que ce sera un projet sur 10 ans », a confié au salon de Paris le président de PSA, Carlos Tavares. Responsable des opérations de Nissan dans la zone Amériques de 2005 à 2011, ce dernier sait à quoi il s'attaque. « Nous voulons prendre notre temps parce que le but n'est pas d'annoncer que nous reviendrons sur le marché nord-américain. Le but est de revenir et de rester. » Et la première étape de ce retour passe par... Montréal.

Carlos Tavares, patron de Peugeot-Citroën, veut revenir en Amérique du Nord d'ici 10 ans. On le voit devant le Citroën C3 au récent Mondial de l'Auto de Paris. Photo: Reuters

UNE VASTE ÉTUDE DE MARCHÉ

La boucle est bouclée. Pour ne pas rater ce retour sur ce marché nord-américain qu'il a quitté il y a un quart de siècle, PSA y va « très progressivement », en utilisant « les services de mobilité ».

« Il y a eu l'annonce de notre retour sur le marché américain, en le faisant d'abord effectivement par les services de mobilité. Ce qui a beaucoup de vertus, en particulier celle de mieux connaître un marché », souligne Christian Sere Annichini. En investissant dans Communauto puis prochainement dans une entreprise californienne du même genre, PSA se livre à une vaste étude de marché. « On vient voir sur place et on essaie de comprendre comment ça se passe », résume M. Sere Annichini. « Les services de mobilité d'abord, les véhicules après », tel est l'ordre de marche des retours de Peugeot et de Citroën.

Avant d'exporter outre Atlantique des voitures comme cette Peugeot 208, PSA veut comprendre les spécificités du marché nord-américain. Photo: Reuters