La production énergétique mondiale n'arrêtera pas de croître de sitôt ni même la production pétrolière tout court, mais si on se fie au plus récent rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), il semble que la consommation automobile d'hydrocarbures, elle, atteigne finalement un sommet.

Dans ses « Perspectives énergétiques mondiales », l'agence établie à Paris analyse les politiques en cours et à venir des pays les plus gourmands sur la planète, et dresse divers scénarios quant à leur effet jusqu'en 2040. Globalement, ce qui en ressort, c'est que le charbon et le pétrole vont représenter au moins la moitié de toutes les sources d'énergie pendant encore 25 ans, au bas mot.

En revanche, la croissance de la production énergétique mondiale sera essentiellement assurée par les sources d'énergie renouvelables, les biocarburants et le gaz naturel.

D'ici 2040, le transport continuera de consommer de plus en plus de pétrole. Si rien n'est fait, il pourrait compter, à terme, pour plus des trois quarts de sa consommation mondiale, comparativement à un peu plus de la moitié au début des années 2000.

DES PRÉVISIONS TROP MODÉRÉES ?

Si cette tendance s'annonce difficile à renverser, l'AIE nuance toutefois son portrait, annonçant la fin de la croissance de la demande en hydrocarbures du côté des automobiles et des véhicules légers. C'est la première fois qu'elle fait une telle prévision depuis l'année de sa fondation, en 1974.

« La demande en pétrole des automobiles touchera un sommet vers la moitié de la décennie 2020, mais les camions lourds, les avions et les navires vont prolonger la tendance haussière dans ce secteur », indique le rapport.

Une prévision qui semble plausible, constate Nathaniel Bullard, analyste pour la firme new-yorkaise Bloomberg New Energy Finance (BNEF), qui pointe vers des mouvements baissiers déjà amorcés dans certains marchés. En Italie et en Allemagne, la demande pour le diesel et l'essence a déjà baissé de façon substantielle au cours des dernières années, observe-t-il.

Selon ses propres calculs, M. Bullard prévoit que la planète comptera d'ici 2040 deux fois plus de véhicules électriques sur ses routes que le pense l'AIE. Leur impact sur la réduction de la consommation de pétrole serait ainsi doublé, signe que la transition énergétique n'est pas un modèle coulé dans le béton.

« Les automobiles sont un produit lié à la culture et aux comportements, deux facteurs qui peuvent changer bien plus vite que ce que des perspectives à long terme peuvent laisser croire. »

- Nathaniel Bullard, analyste pour la firme new-yorkaise Bloomberg New Energy Finance

« On n'a qu'à regarder les chiffres de ventes de la Model 3 de Tesla aux États-Unis : elle est déjà la berline de luxe d'entrée de gamme la plus populaire sur le marché, devant des rivales d'Audi, BMW et Mercedes-Benz. »

AU-DELÀ DES AUTOMOBILES

Un autre facteur peut également influer de façon imprévisible sur la composition énergétique du transport, conclut M. Bullard : les politiques en matière de transports en commun. Plusieurs gouvernements ont déjà pris des mesures pour remplacer des autobus à moteur thermique par des véhicules entièrement électriques. Le succès des premiers essais pourrait créer un effet boule de neige de ce côté également.

La Chine mène la charge, ajoutant quelque 7600 nouveaux autobus électriques sur ses routes chaque mois. Selon les données officielles, on compte plus de 400 000 de ces autobus sur le sol chinois. Leur effet sur la demande en carburant étant 30 fois plus important que celui d'une automobile, ils permettent déjà d'éviter la consommation de l'équivalent de 240 000 barils de pétrole chaque jour.

Autrement dit, il est toujours possible de faire mentir ces perspectives de l'Agence internationale de l'énergie, qui propose elle-même 14 autres scénarios potentiels. Reste seulement à savoir lequel se réalisera...

D'ici 2040, le transport continuera de consommer de plus en plus de pétrole. Si rien n'est fait, il pourrait compter, à terme, pour plus des trois quarts de sa consommation mondiale, comparativement à un peu plus de la moitié au début des années 2000. Photo AFP