Dans les embouteillages, il suffit de jeter un coup d'oeil autour de soi pour constater à quel point le paysage automobile a changé au cours des 10 dernières années. Les VUS monopolisent aujourd'hui pratiquement tout l'espace et poussent la berline vers la sortie...

Le poste d'observation qu'offrait, il y a quelques semaines, le Salon international de l'auto de Montréal a permis de relever la propension des constructeurs à multiplier les VUS et autres camions. 

Et pour cause, près de trois acheteurs sur quatre préfèrent « monter » à bord de ces véhicules utilitaires plutôt que de se glisser derrière le volant d'une berline. Cette dernière, l'espèce automobile historiquement la plus diffusée dans le monde, est en déclin. Et les constructeurs ont tiré les leçons de cette évolution désormais irréversible dans l'ensemble du monde automobile : la berline n'est plus la référence absolue. 

71 % des voitures 2022 seront... des camions

D'ailleurs, une étude publiée l'année dernière par Bank of America Merrill Lynch rapporte que 71 % des nouveaux modèles attendus sur le marché nord-américain d'ici 2022 seront des camions légers (utilitaires et camionnettes, principalement).

Plusieurs facteurs expliquent la désaffection des consommateurs à l'égard des berlines (et les autres carrosseries dérivées comme les coupés et les cabriolets). Une grande partie, dit-on, est attribuable à son manque de polyvalence et, dans une moindre mesure, à son cycle de remplacement plutôt lent. 

Le VUS, qui n'est pourtant pas toujours aussi fonctionnel qu'il le prétend ni aussi économique (à l'achat comme à la pompe), séduit grandement par sa position de conduite surélevée, ses (fausses et réelles) aptitudes à sortir des sentiers battus et son habitacle modulaire. 

Fictifs ou réels, ces attributs suffisent aux consommateurs pour renouveler l'expérience au moment de changer de véhicule.

Selon la firme de recherches Edmunds, à peine 50 % des propriétaires de berline s'en sont procuré une nouvelle l'année dernière. Un recul de 15 % par rapport à 2014.

Une occasion à saisir pour les Chinois

Face à la rapide érosion des ventes de berlines, certains constructeurs ont déjà jeté l'éponge. Les constructeurs américains surtout, dont la profitabilité repose pour l'heure essentiellement sur les camions. Ainsi, après Fiat-Chrysler Automobiles, Ford et General Motors ont annoncé qu'ils allaient rayer plusieurs berlines de leurs catalogues respectifs. 

Une aubaine pour les constructeurs japonais et sud-coréens (qui continuent de proposer des berlines) afin de gagner des parts de marché additionnelles, mais aussi potentiellement pour l'industrie automobile chinoise, qui pourrait profiter de l'occasion pour s'immiscer dans de nouveaux marchés, dont l'Amérique du Nord.

Photo Mazda

Le petit VUS Mazda CX-3 est monté sur la même plateforme que la Mazda2, une sous-compacte que Mazda n'essaie même pas de vendre en Amérique du Nord.

Si tous les constructeurs ne cherchent pas à mettre tous leurs oeufs dans le même panier, il n'en demeure pas moins que le véhicule utilitaire est actuellement le plus lucratif de tous (les consommateurs paient en moyenne 20 % de plus pour lui que pour une berline) et permet de financer les défis imposés à cette industrie, notamment dans le domaine environnemental. 

En effet, l'architecture d'un VUS convient mieux à la création de véhicules électriques ou à conduite autonome. On peut y installer plus aisément la batterie en dessous du plancher ou réaménager l'espace intérieur en installant, par exemple, les sièges en vis-à-vis. Dans ce contexte, un véhicule haut et large comme un VUS apparaît plus facile à adapter qu'une berline, pour laquelle pareilles transformations entraînent trop de compromis.

Alors, la berline agonise ? Il serait plus juste d'écrire que nous assistons en fait à la fin de son règne sans partage.

Première alerte

Fiat-Chrysler Automobiles (FCA) a été, en 2016, le premier groupe à balayer certaines de ses berlines du plancher de ses salles d'exposition.

Photo Wikipédia

Le constructeur chinois GAC est sûrement tenté de lancer sa compacte GA4 en Amérique du Nord. On la voit ci-haut au Mondial de l'auto de Paris en 2018.

Contre toute attente, ce sont ses plus récentes créations (Dodge Dart et Chrysler 200) qui ont payé la note.

Ce faisant, les chaînes d'assemblage de ces deux modèles ont été réutilisées pour accroître la capacité de production de certains VUS et camionnettes qui, à l'heure actuelle, représentent plus de 80 % du chiffre d'affaires du consortium italo-américain.

De héros à zéro

Au même titre que la Chevrolet Impala en son temps, la Ford Taurus a longtemps vu son nom inscrit au sommet de la marquise des véhicules les plus vendus en Amérique du Nord.

Photo fournie par Dodge

Dodge Dart

Aujourd'hui, cette berline intermédiaire n'est plus que l'ombre d'elle-même. Elle ne cesse, depuis quelques années déjà, de reculer au classement. Ford arrête les frais.

La Taurus disparaît et entraîne dans son sillage la Fiesta, la C-Max, la Fusion (la version hybride demeurera encore au catalogue) et la Focus.

Cette dernière pourrait toutefois renaître de ses cendres.

Décision draconienne

Dans une entrevue qu'il a accordée à l'hebdomadaire Automotive News en juillet dernier, Alan Batey, alors président de General Motors Amérique du Nord, a dit : « De nombreux consommateurs souhaitent se procurer une automobile et la décision de nos concurrents [Fiat-Chrysler et Ford] de se retirer de ce segment va créer de plus grandes occasions pour nous. »

Photo fournie par Ford

Ford Taurus

Or, quelques mois plus tard, le géant de l'automobile américaine cède à la tendance et annonce qu'il retire de sa production pas moins de sept automobiles, dont la Chevrolet Volt.

Photo fournie par Chevrolet

Chevrolet Volt