(Francfort) Un moteur essence pour les longues distances, et un moteur électrique pour rouler en ville : très présente au salon automobile de Francfort, la voiture hybride rechargeable semble un compromis intéressant, mais cette technologie coûteuse ne convainc pas.

Ces modèles, qui prennent souvent la forme de gros VUS (4x4), permettent de parcourir plus de 50 km avec la seule énergie des batteries et d’abaisser drastiquement les émissions de CO2 calculées selon les normes d’homologation. Une aubaine pour les constructeurs qui cherchent à respecter des contraintes réglementaires de plus en plus drastiques.

Les tout électriques se vendent mieux que les hybrides

La promesse a de quoi séduire les automobilistes, gros rouleurs et adeptes de véhicules haut de gamme, pour qui le tout électrique ne répond pas encore aux besoins, faute d’autonomie suffisante.

PHOTO MERCEDES-BENZ

La Mercedes-Benz C300de peut rouler 57 km en mode tout électrique. Mais ça ne convainc pas beaucoup d'acheteurs. C'est un produit créneau pour les gens très aisés.

Mais les ventes déçoivent. « Les véhicules tout électriques se vendent beaucoup mieux que les hybrides rechargeables », constate Felipe Munoz, expert automobile pour Jato Dynamics.

De janvier à juillet, près de 93 000 hybrides branchables ont été écoulées en Europe, en baisse de 16 % par rapport à l’an dernier, pour une part de marché inférieure à 1 %, selon ce cabinet de conseil. Dans le même temps, les ventes de pures électriques se sont envolées de 90 % dans des volumes deux fois supérieurs.

Plusieurs pays ne subventionnent plus les hybrides

Les hybrides rechargeables « ont été victimes de la suppression des aides publiques pour ces modèles sur certains marchés », or les gens « les achètent non pas parce que ce sont de bonnes voitures, mais parce qu’elles sont subventionnées ».

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Certains pays ont cessé de subventionner les hybrides, car la plupart des conducteurs ne rechargent pas leurs véhicules et roulent essentiellement à l'essence.

Les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont notamment retiré leurs aides, jugeant le bénéfice écologique inexistant après avoir constaté que la plupart des conducteurs ne rechargeaient pas leurs véhicules et recouraient uniquement au moteur essence.

« L'hybride rechargeable, c’est cher et ce n’est pas bien »,  assure Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Center Automotive Research (CAR), basé en Allemagne. Selon lui, « non seulement ça coûte 10 000 euros de plus qu’une voiture équivalente essence ou diesel, mais en plus il y a le risque que la technologie soit rapidement dépassée », au risque de diminuer la valeur de revente.

Jacques Aschenbroich, PDG de Valeo, un des équipementiers leaders dans la mobilité électrique, reconnaissait récemment que la demande pour les hybrides rechargeables n’était pas à la hauteur des prévisions.

Technologie de transition

Il table désormais sur une très large domination des voitures purement électriques par rapport à ces doubles motorisations. « Il y a quelques années, j’aurais prévu une répartition à 50-50. Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est plutôt 80-20 », a-t-il déclaré lors d’un déjeuner avec des journalistes.

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La tout électrique sport Porsche Taycan (alors appelée Mission E) avait fait sensation lors de son dévoilement à Francfort en 2015.

Pour Eric Espérance, expert automobile chez Roland Berger, l’hybride rechargeable a été conçu comme une technologie de transition. Mais, selon lui, celle-ci « n’avait de sens que quand on avait des autonomies de voitures tout électriques inférieures à 300 km ».

Or plusieurs modèles électriques dépassent déjà les 400 km et le prix des batteries continue de baisser. « Maintenant cela fait sens d’aller directement vers le 100 % électrique », estime-t-il.

Le pire des deux mondes ?

Pour nombre d’experts, l’hybride rechargeable cumule le pire des deux univers, soit les inconvénients des moteurs thermiques (pollution de l’air) et ceux des moteurs électriques (poids et prix élevés à cause des deux motorisations).

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La Volkswagen !D.3 devrait être une des vedettes du Salon de l'auto de Francfort. Ci-haut, un prototype pré-production sous une peinture camouflage, montré à Berlin le 8 mai dernier.

Quand elles ne sont pas régulièrement rechargées, ces voitures souffrent d’une consommation très élevée. Les concessionnaires ont d’ailleurs vu revenir quantité de clients déçus qui souhaitaient repasser au diesel.

Mais, utilisé correctement, et pour certains conducteurs qui cumulent longues distances sur autoroutes et usage urbain, l’hybride rechargeable reste une alternative au diesel, tombé en disgrâce depuis le scandale des moteurs truqués de Volkswagen.

C’est en fait un produit de niche, réservé à une clientèle aisée, et prisé surtout des entreprises qui ont besoin d’afficher de faibles émissions de CO2 pour des raisons fiscales.

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La Mercedes-Benz C300de, une hybride diesel-électricité. La version la moins chère coûte l'équivalent de 70 000 $ canadiens (elle n'est pas en vente en Amérique du Nord).

« Les gens se sont un peu enflammés sur cette technologie », estime Gilles Normand, directeur des véhicules électriques chez Renault, pionnier et leader européen du 100 % électrique.

Il voit cependant dans l’hybride rechargeable, qui équipera certaines versions du nouveau VUS Captur du constructeur, une motorisation complémentaire.