Laminé en Bourse, des ventes en berne, en retard dans les voitures autonomes et électriques, le constructeur américain Ford tente de reprendre la main avec une vaste restructuration comprenant des milliers de suppressions d'emplois en Europe et une alliance stratégique imminente avec l'allemand Volkswagen.

La marque à l'ovale bleu a annoncé jeudi réorganiser ses activités européennes, ce qui devrait se traduire par des milliers de suppressions d'emplois non encore chiffrées et une possible réduction de la production de modèles populaires comme la Fiesta, la Focus et la Mondeo.

24 000 emplois menacés

D'après les analystes, 24 000 emplois sont menacés en dehors des États-Unis. En Ontario, Ford a un complexe d'assemblage à Oakville et une usine de moteurs à Windsor. Une usine d'assemblage a été fermée à St-Thomas, en Ontario également, en 2011. Ford emploie environ 8000 personnes au Canada, selon le site de Ford Canada.

Aux États-Unis, le groupe a déjà cessé de produire berlines et citadines pour économiser 11 milliards de dollars. Et, malgré les invectives du président Donald Trump, il pourrait fermer des usines en sous-capacités dans les prochains mois, avance Adam Jonas, analyste chez Morgan Stanley.

Des mesures d'économies sont également prévues en Chine et en Amérique latine, deux marchés où il souffre, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier.

En tout, Ford espère faire des économies de 14 milliards de dollars dans ses opérations internationales.

« Tout ceci n'est pas destiné à rendre les opérations plus efficaces mais à redessiner complètement l'activité et l'entreprise », explique Steve Armstrong, son patron pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique.

La volonté de transformation de Ford intervient au moment où le secteur automobile est en pleine mutation sous l'effet du développement de la voiture autonome et l'accélération vers l'électrique du fait des déboires et du désamour pour le diesel.

Révolution technologique et guerre commerciale

Ces deux technologies, très coûteuses, demandent soit de nouvelles usines soit une modernisation complète de celles existantes.

Les tensions commerciales, le ralentissement économique mondial et de l'économie chinoise, le Brexit et la fluctuation des devises forment un casse-tête supplémentaire pour les constructeurs qui essaient de préserver des marges bénéficiaires faibles.

Le boom de l'auto-partage et du covoiturage suggère en outre que les groupes automobiles devront réduire leur production à l'avenir.

Outre engager des économies, Ford a décidé de joindre ses forces à celles de Volkswagen, sous la forme d'une alliance stratégique, pour rester un acteur de premier plan.

Selon une source proche du dossier, ce partenariat, qui va clore de longs mois de discussions entre les deux parties, portera sur le développement de la voiture autonome, les véhicules utilitaires et électriques.

Il devrait être annoncé la semaine prochaine au salon automobile de Detroit.

« Volkswagen est le partenaire idéal aujourd'hui. Nous avons des profils géographiques différents. Nous devons tous les deux améliorer nos résultats », a déclaré dans la nuit de mercredi à jeudi à des journalistes Jim Farley, le responsable marketing de Ford, qui a pris part aux négociations.

Ford a créé en juillet une société indépendante, Ford autonomous Vehicles LLC, pour y loger ses activités dans les technologies autonomes. Le groupe, qui va y investir 4 milliards de dollars d'ici 2023, avait indiqué chercher des partenaires alors que ses rivaux promettent de commercialiser de premières voitures autonomes en 2020.

Ford envisage aussi de renforcer son partenariat avec l'indien Mahindra.

« Les partenariats vont être une part importante de l'avenir de Ford », a souligné M. Farley.

Le PDG sous pression, Ford pourrait quitter l'Europe

Le PDG Jim Hackett, qui est sous la pression des marchés financiers, espère que ces initiatives vont permettre à Ford de presque doubler sa marge opérationnelle, à 8 % d'ici 2020 contre 4,4 % au troisième trimestre 2018.

Aux commandes depuis mai 2017, M. Hackett est le dos au mur : les ventes de Ford ont diminué de 3,5 % en 2018 aux États-Unis alors que l'ensemble du secteur affiche une hausse de 1,8 %. L'action s'étant effondrée d'un tiers en un an, sa capitalisation n'est plus que de 34 milliards de dollars, devancé largement par General Motors (49,6 milliards) et Tesla (58,1 milliards).

Le patron a promis de présenter dans les prochains mois le visage du nouveau Ford, dont les grandes lignes semblent désormais esquissées.

En Amérique du Nord, il devrait se focaliser sur la marque Mustang, les pickups, les VUS et les multisegments , véhicules prisés par les consommateurs locaux.

En Europe, un des marchés automobiles les plus concurrentiels, il donnera la priorité aux véhicules commerciaux (utilitaires, fourgons, fourgonnettes...) et n'exclut pas de sortir du Vieux continent si cette stratégie s'avérait un échec, dit-on auprès de l'entreprise.

Ford suivrait ainsi l'exemple de son compatriote GM, qui a quitté l'Europe en 2017 après des années de pertes en vendant Opel-Vauxhall à Peugeot.

Photo Rebecca Cook, REUTERS

Le PDG de Ford, James Hackett, est sous pression.