En fouillant dans les tiroirs de ses filiales mondiales, Ford a retrouvé le Ranger. Une aubaine pour la division nord-américaine de la marque à l'ovale bleu... mais pas forcément pour ses clients.

Personne ne sourcillera en prenant connaissance du prix demandé pour grimper à bord du nouveau Ranger. Celui-ci cible précisément le coeur du marché. En revanche, plusieurs s'étonneront que la somme exigée corresponde, à quelques centaines de dollars près, à celle qui donne accès à un F-150. Et pour ajouter à la stupéfaction, comment expliquer qu'un véhicule dont la conception remonte à quelque 10 ans s'autorise à revendiquer pareil prix ? Voici pourquoi.

On a tendance à l'oublier, mais Ford existe ailleurs qu'en Amérique du Nord. La marque américaine, dont le siège se trouve à Dearborn, au Michigan, compte de nombreuses filiales, et les créations de celles-ci ne se produisent pas toujours sur tous les continents. 

L'EcoSport présentée l'année dernière en est un bel exemple. Ce modèle était originalement destiné aux pays émergents, disait-on chez Ford lors de son lancement en 2012. Mais le succès grandissant des VUS urbains a amené la marque américaine à repousser les limites géographiques du modèle. Idem pour le Ranger qui, jusqu'ici, quadrillait des rues lointaines. On aura compris que ce Ranger venu d'ailleurs ne partage aucun boulon avec celui que Ford nous destinait à l'époque. Ce sont deux modèles complètement distincts.

Dans sa forme actuelle, le Ranger 2019 n'est pas une conception nouvelle, ni même récente. Pour retrouver les origines de ce modèle baptisé T6 à l'intérieur de la société américaine, il faut remonter à 2011, année du lancement de cette mouture. Celle-ci, réalisée par la filiale australienne du groupe, prenait alors vie en Thaïlande. Il est toujours assemblé là-bas, mais aujourd'hui, quatre autres usines ont aussi le mandat de donner formes et couleurs au Ranger, dont celle de Wayne, aussi dans le Michigan. Cette dernière sera aussi témoin prochainement de la résurrection d'un autre modèle emblématique de Ford : le Bronco.

Plus cher pour moins ?

D'emblée, une question s'impose : pourquoi s'offrir un Ranger alors qu'un F-150 offre des capacités encore plus grandes à meilleur prix ?

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La capacité de la benne est de 844 kg, tandis que le châssis peut tracter une charge atteignant 7500 lb (3402 kg).

Il suffit en effet de surfer sur le site internet canadien de l'entreprise pour se rendre compte qu'en dépit de sa taille réduite, le ticket d'entrée à la gamme Ranger coûte 807 $ de plus. Certes, il serait absurde de tirer de ces sommes des conclusions hâtives sans tenir compte aussi des équipements et autres accessoires. 

Or, en se pliant à ce fastidieux exercice, l'écart est en fait beaucoup moins grand qu'il n'y paraît. Mais la direction de Ford juge cet exercice un peu futile, dans la mesure où la clientèle visée par le Ranger n'a justement aucun intérêt pour le F-150. Elle le considère comme trop gênant par sa taille ou trop compétent pour ses besoins. Le Ranger suffit amplement aux besoins de nombreux acheteurs, comme en fait foi sa capacité à tracter une charge pouvant atteindre 7500 lb (3402 kg). 

Mais le vrai pouvoir de séduction de cette camionnette se trouve ailleurs.

Pour plusieurs, ce véhicule Ford exprime un style de vie ; pour d'autres, il s'agit d'un parfait complice pour écumer les brocantes ou de l'outil idéal pour pratiquer la chasse, la pêche ou toute autre activité sportive (planche à neige, ski, vélo, motoneige, etc.). 

Là réside toute la beauté de ce véhicule qui permet de balancer, avec insouciance, un tas de choses dans sa benne (capacité maximale de 844 kg) sans craindre que celle-ci ne régurgite son contenu.

Maturité ou sagesse ?

Plus que le F-150, associé - avec raison - aux durs travaux, le Ranger exprime l'envie de fréquenter la nature de plus près et de pratiquer ses activités sans s'encombrer inutilement. 

À l'aide de ses marchepieds optionnels, on grimpe relativement bien à bord de cette camionnette à la présentation légèrement datée. Le tableau de bord, dur comme de la pierre, enrobe un bloc d'instrumentation que les inconditionnels de la marque ont vu mille fois et des commandes simples, dont certaines détonnent un peu. On pense ici tout particulièrement aux petites touches des commandes de chauffage et de climatisation. Celles-ci nécessitent trop souvent de quitter la route des yeux pour s'assurer d'avoir appuyé sur le bon bouton. 

Le système d'infodivertissement Sync3 de Ford (optionnel sur toutes les déclinaisons, à l'exception de la Lariat, haut de gamme) se révèle également plus convivial que par le passé, et il est désormais plus facile d'y apparier son téléphone intelligent. Les rangements sont corrects, sans plus. Comme la qualité de la finition, d'ailleurs. La position de conduite est agréable et relativement confortable.

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Le fort débattement de la suspension atténue les passages dans les nids-de-poule.

À l'arrière, dans le modèle SuperCrew essayé, c'est plus serré, et le dégagement pour les genoux et les jambes demeure compté. En outre, on se désole que la partie arrière n'offre pas la moindre modularité, contrairement au Ridgeline de Honda, par exemple.

Au chapitre des équipements et des accessoires, mieux vaut oublier le modèle d'entrée de gamme XL. Ce dernier ne propose de série ni régulateur de vitesse, ni capteurs d'angles morts, ni télécommande de verrouillage des portières. Hélas, la liste ne s'arrête pas là. Dans un monde idéal, mieux vaut opter pour la version XLT, sans doute la plus homogène du groupe.

Amusante et bondissante

Ingénieux comme un couteau suisse, le Ranger rendra bien des services pour peu que son utilisateur apprécie un véhicule un peu bondissant (lorsque la benne est vide). Sur une route déformée, le train arrière se laisse aisément entraîner hors de la trajectoire désirée. Mais rien pour se donner la frousse, puisque les béquilles électroniques veillent au grain. 

Ces trépidations s'évanouissent dès que les roues circulent sur un pavage digne de ce nom. Dans ces conditions, le Ranger se révèle étonnamment confortable, stable et relativement silencieux, si l'on fait abstraction du vent qui siffle sur les montants de son pare-brise et le pourtour de ses rétroviseurs extérieurs.

Le fort débattement de la suspension atténue les passages dans les nids-de-poule, sans pour autant faire pencher de manière excessive la caisse dans les virages. La direction offre un ressenti étonnamment agréable, et n'eût été le fort diamètre de braquage, il y aurait peu à redire. Tout comme les freins, qui assurent des arrêts parfaitement rectilignes, mais qui sont eux aussi un brin bondissants.

La conduite du Ranger, donc, n'a pas grand-chose à envier aux meilleurs de la catégorie. 

Lorsqu'on soulève le capot, néanmoins, ce n'est plus tout à fait vrai. Alors que la concurrence propose un éventail assez diversifié de mécaniques (essence, diesel, 4 et 6 cylindres), Ford joue son va-tout sur le seul 2,3 litres suralimenté. Sur papier, cette mécanique n'a pas à rougir de la comparaison, pour peu que l'on concentre son attention sur les valeurs de couple de ce moteur et non sur sa puissance. D'un rendement plutôt discret, ce moteur s'entend comme larron en foire avec la boîte automatique à 10 rapports. 

Un tandem performant, moderne (qui justifie le prix demandé) et parfaitement adapté à la nature de ce véhicule. Seule ombre au tableau : la consommation. Celle-ci est, même en considérant les conditions climatiques actuelles, décevante pour une telle cylindrée, malgré la présence d'un dispositif de coupure automatique à l'arrêt.

Bénéficiant d'une généreuse garde au sol et d'un mode d'entraînement à quatre roues motrices à prise temporaire (l'utilisateur peut faire un choix entre 2 ou 4 roues motrices), d'une plage de rapports courts et d'un dispositif électronique qui l'adapte aux conditions du terrain, le Ranger ne craint pas de s'aventurer dans les sentiers. Pour affronter ces derniers, Ford propose à l'heure actuelle un groupe d'options appelé FX4 et promet dans un avenir pas trop lointain d'enrichir son offre avec une déclinaison « Raptor » du Ranger. Mais ça, c'est une autre histoire.

Ventes en hausse

Pour justifier le retrait de la catégorie des camionnettes intermédiaires il y a huit ans, Ford la disait moribonde. Surprise. Trois ans plus tard, les ventes de ce segment de marché ont doublé, et ce mouvement incite aujourd'hui Ford et bientôt Jeep (Gladiator) à revisiter la catégorie. Pour l'heure, les Québécois accueillent encore timidement ces produits, comme en font foi les ventes de deux dernières années.

Les ventes (unités vendues)

Marque et modèle Unités vendues 2018//2017

Toyota Tacoma : 1996//1880

Chevrolet Colorado : 1833//1616

GMC Canyon : 1540//1479

Honda Ridgeline : 659//706

Nissan Frontier : 761//655

Source : Association des manufacturiers automobiles du Canada

Fiche technique

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Le tableau de bord, dur comme de la pierre, enrobe un bloc d'instrumentation que les inconditionnels de la marque ont vu mille fois.

L'essentiel

Marque/Modèle : Ford Ranger

Fourchette de prix : de 30 969 $ à 42 289 $

Coût des frais de transport : 1800 $

Garantie de base : 3 ans ou 60 000 km

Consommation d'essence : 12,6 L/100 km (conditions hivernales)

Visible dans les concessions : maintenant

Principaux concurrents : Chevrolet Colorado, Jeep Gladiator, Toyota Tacoma

Technique

Moteur : L4 DACT 2,3 litres turbocompressé

Puissance : 270 ch à 5500 tr/min

Couple : 310 lb-pi à 3000 tr/min

Poids : 2014 kg (SuperCrew)-1975 kg (SuperCab)

Rapport poids/puissance : 7,45 kg/ch (SuperCrew) - 7,31 kg/ch (SuperCab)

Mode : 4 x 4

Transmission de série : automatique 10 rapports

Transmission optionnelle : aucune

Diamètre de braquage : 12,7 m

Freins (av.-arr.) : disque-disque

Pneus (av.-arr.) : 255/70R16 (de série)

Capacité du réservoir de carburant : 68 L

Essence recommandée : Super

On aime

Moteur souple et énergique

Direction agréable

Ergonomie simple

On aime moins

Présentation intérieure datée

Consommation décevante

Petit, mais vendu au prix du gros (voir texte)

Candidats à l'immigration

Dans sa forme actuelle, le Ford Ranger ne nous était pas destiné. Pas plus que ces trois modèles existants qui, sait-on jamais, pourraient de la même manière un jour débarquer dans une salle d'exposition près de chez nous.

Mercedes Classe X

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Alors que la concurrence propose un éventail assez diversifié de mécaniques, Ford joue son va-tout sur le seul 2,3 litres suralimenté.

Présentée il y a deux ans à peine, la Classe X de Mercedes fait actuellement carrière en Australie, en Europe, en Amérique latine et en Afrique. La firme à l'étoile n'a aucune intention de la commercialiser chez nous. En revanche, cette camionnette pourrait intéresser Nissan. En effet, le constructeur japonais et son allié Renault sont les géniteurs de cette camionnette intermédiaire. Et puisque Nissan promet depuis des lustres une nouvelle mouture du Frontier, cette Classe X pourrait très bien faire l'affaire.

Mitsubishi L200

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Mercedes Classe X

La L200 (également connue sous le nom de Triton) n'est pas une nouvelle venue, loin de là. Cette camionnette en est déjà à sa cinquième génération et est visible partout dans le monde sauf au Canada, aux États-Unis, en Chine, en Bulgarie et, étonnamment, dans son marché local (Japon). Cette camionnette fait également carrière sous un nom d'emprunt (Fullback) et défend les couleurs de Fiat au Moyen-Orient.

Volkswagen Amarok

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Mitsubishi L200

La direction canadienne de Volkswagen souhaite depuis un bon moment déjà intégrer cette camionnette à son catalogue. L'ennui est qu'elle devra assumer seule les coûts d'homologation de ce véhicule, puisque Volkswagen America n'en veut pas. Du moins, c'est la version officielle puisque Volkswagen USA a enregistré, il y a tout juste un an, le nom Amarok, ce qui laisse croire que la décision n'était pas encore tout à fait arrêtée.

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Volkswagen Amarok