Aperçu en avril dernier au salon de New York, le Jeep Cherokee nous était apparu comme plutôt original. Neuf mois de réflexion et 900 km à son bord ont fait évoluer cette première appréciation. Déconcertant par son style, mais pas superficiel pour deux sous, ce nouveau Jeep manifeste une vraie personnalité et exprime le retour en grâce de l'audace de style dans cette catégorie qui fusionne les genres.

Il faut vraiment être revenu de tout pour rester de glace devant le Jeep Cherokee. Du style gentiment rétro baroque de ses prédécesseurs, dont le Liberty, qui a terminé sa carrière dans l'indifférence générale. Ce dernier était tendu et ramassé. Son héritier est flegmatique et postmoderne.

Des Jeep, le Cherokee n'a conservé que la calandre à «sept tranches». Pour le reste, il offre au regard une silhouette surprenante. Surtout dans sa partie avant rappelant la tête d'un serpent en colère - j'ai de l'imagination: les yeux seraient les feux clignotants, que plusieurs confondent avec les phares; ceux-ci se trouvent juste dessous. Un dessin qui n'est pas sans rappeler celui de la Juke - celle-ci ressemble plutôt à une grenouille -, mais en mieux réussi.

L'aménagement intérieur n'apparaît pas aussi hardi. L'atmosphère de l'habitacle se veut bourgeoise - dans ses versions Trailhawk et Limited à tout le moins - et raffinée, mais l'ensemble s'inscrit dans une honnête moyenne. La colonne de direction pourrait faire bouger le volant de haut en bas sur une plus grande amplitude, et le coffre gagnerait à être plus spacieux et plus facile à charger. Cette dernière critique touche toutefois principalement les versions dotées du mode d'entraînement à quatre roues motrices, dont le seuil de chargement est plus élevé que celui des simples «deux roues».

À défaut d'offrir un volume utilitaire généreux, le Cherokee propose, à l'image de son cousin éloigné le Dodge Journey, une multitude de rangements. On en trouve partout, même sous le coussin du passager avant. Le confort est adéquat, et les places arrière se glissent sur des rails pour mieux moduler l'espace intérieur.

À la pesée

Conçu sur une plateforme Alfa Romeo (également utilisée par la Dodge Dart), le Cherokee distille un «toucher de route» étonnant et témoigne d'un comportement plus réactif que pourraient le laisser penser ses dimensions. Ce Jeep n'a rien de pataud, au contraire. En fait, dynamiquement parlant, ses prestations le rapprochent davantage d'un Mazda CX-5 ou d'un Volkswagen Tiguan que d'un Toyota RAV4 ou d'un Honda CR-V.

Malgré les attentions bien senties de ses concepteurs, le Cherokee échoue malheureusement à un aspect très important: le poids. Trop lourd, ce Cherokee, par rapport à ses concurrents!

À titre de référence, la plus récente nouveauté dans ce segment, le Rogue de Nissan, s'affiche à 1639 kg dans sa configuration la plus lourde, contre 1862 kg pour un Cherokee équivalent.

Entre deux maux, on choisit?

Ce poids a naturellement un effet sur les performances et la consommation de ce véhicule. Entre deux maux, choisit-on le moindre? Voilà la question à débattre.

Le V6 de 3,2 litres, avec ses 271 chevaux, semble à vue de nez la solution la plus appropriée. Même s'il porte le sceau de la nouveauté, ce moteur dérive très étroitement du 3,6 litres à l'oeuvre dans d'autres produits du groupe. En fait, à l'exception de l'alésage, il s'agit d'un copier-coller du 3,6 qui, jusqu'ici, a été produit à plus de 3 millions d'unités. On peut donc présumer que sa fiabilité ne présentera pas de problème particulier.

Plébiscité par Ward's, qui l'estime comme l'un des 10 meilleurs moteurs actuellement en production, ce V6 modulaire (il s'implante aussi bien longitudinalement que transversalement) ne fait pas pour autant usage de toutes les dernières avancées techniques. Par exemple, il ne comporte pas de système d'injection directe d'essence ni, dans sa configuration 3,2 litres, d'un dispositif de désactivation des cylindres. 

Considérant les attentes des consommateurs de ce segment, la consommation affichée par le 3,2 litres apparaîtra contrariante. Même si l'essai de ce véhicule s'est déroulé dans des conditions hivernales parfois difficiles, notre meilleur score à la pompe n'a été que de 12,2 L/100 km sur un parcours mi-route, mi-ville.

À défaut de consommer avec modération les 60 litres de carburant de son réservoir, le Cherokee V6 offre un rendement discret et sans histoire. Les temps d'accélération et de reprises auraient sans doute été plus éblouissants encore n'eût été le poids de la caisse, mais aussi du caractère indolent de la transmission semi-automatique à neuf rapports qui l'accompagne. Cette dernière, réalisée par l'équipementier allemand ZF, fonctionne grossièrement comme une boîte à six vitesses à laquelle on aurait collé trois rapports de surmultiplication.

C'est donc dire qu'au moment des relances à vitesse de croisière, la boîte hésite une fraction de seconde avant d'opter pour l'engrenage le plus performant. Pour répondre à la question que tout le monde se pose, cette boîte sera vraisemblablement fiable sur le plan mécanique.

En revanche, sa programmation nécessitera peut-être certains ajustements. D'ailleurs, la marque américaine a déjà procédé à un certain nombre d'entre eux avant la commercialisation de ce véhicule. Une pratique, souvent tenue secrète, qui est loin d'être rare dans l'industrie.

Donc, à moins de vouloir bénéficier d'une capacité de remorquage supérieure à la moyenne (pour la catégorie, s'entend) des versions les plus coûteuses (Limited ou Trailhawk) ou de la suavité du V6, reste le quatre-cylindres de 2,4 litres. Ce dernier risque de se retrouver à la peine, surtout si vous lui ajoutez la quincaillerie du «4x4». Voilà pourquoi la version tractée représente sans doute le meilleur choix - avec quatre excellents pneus d'hiver - à apparier au 2,4 litres. Cette combinaison est à la fois la plus légère et la plus économique.

Vous optez pour le V6? Alors, pourquoi ne pas vous offrir la «totale» ? Mais quel rouage intégral choisir? En effet, soucieux de ne pas abîmer la réputation «je passe où je veux» de Jeep, le Cherokee en propose trois. Le nec plus ultra se nomme «Active Drive Lock», mais il n'intéressera que l'amateur qui sait pourquoi et quand il est nécessaire de verrouiller le différentiel arrière. Pour les autres, les systèmes Active Drive I et II suffiront.

Avant de lever le pouce ou de le baisser en signe de désapprobation à l'égard du Cherokee, on saluera l'audace d'un tel exercice, car ce Jeep, dessiné à partir d'une feuille blanche, ne ressemble à rien de connu. Pour l'instant.

L'essentiel

> Marque/Modèle : Jeep/Cherokee

> Fourchette de prix : 23 495 $ à 32 195 $

> Frais de transport et de préparation : 1695 $

> Garantie de base : 3 ans/60 000 km

> Consommation réelle : 12,2 L/100 km *

> Pour en savoir plus : www.jeep.ca

> Moteur : V6 DACT 3,2 litres

> Puissance : 271 ch à 6500 tr/min

> Couple : 239 lb-pi à 4400 tr/min

> Poids : 1862 kg

> Rapport poids-puissance : 6,87 kg/ch

> Mode : Intégral

> Transmission de série : Semi-automatique 9 rapports

> Transmission optionnelle : Aucune

> Direction/Diamètre de braquage (m) : Crémaillère/11,6

> Freins av-arr : Disque/Disque

> Pneus (av-arr) 225/55R18

> Capacité du réservoir/Essence recommandée : 60/Ordinaire

On aime

> Les astuces à bord

> La capacité de remorquage (V6)

> Les capacités de franchissement

On aime moins

> Le seuil de chargement élevé

> Le poids et ses effets néfastes

> La fiabilité incertaine