La marque Lincoln cherche à se relancer dans l'univers du luxe. L'ambition a le mérite d'être claire. La démarche, elle, l'est un peu moins. Dans l'attente de renfort - qui ne saurait tarder -, il revient pour l'heure à la MKZ de redonner des couleurs aux ventes.

Mettons-nous d'accord: la MKZ ne parviendra jamais à redorer le blason de Lincoln à elle seule. Cette berline originale est toutefois condamnée à faire de la figuration aux côtés des firmes allemandes et japonaises, et même vis-à-vis de sa rivale de toujours, Cadillac. Pour la marque, admet-on timidement chez Lincoln, la MKZ constitue avant tout un enjeu d'image. En effet, cette berline donne le coup d'envoi au plan de relance élaboré par son propriétaire, Ford.

Ses projecteurs fuyants, que relie une fine moustache, composent la mince calandre marquant le nouveau visage de cette filiale de luxe. Extravertie, un brin provocante, entre le gothique flamboyant et le baroque, la MKZ apparaît un peu hors du temps. Le profil irrégulier force sur les effets de contraste. La poupe incurvée porte une malle légèrement saillante (sans doute le trait le plus original de l'auto) et un profil pointu, comme biseauté.

Bref, la MKZ cultive un esprit anticonformiste qui, personnellement, n'est pas sans me déplaire et qui confirme - enfin - que le temps où une automobile devait surtout ne choquer personne est définitivement révolu.

Un peu de fantaisie

L'habitacle se présente bien, mais donne naissance à des audaces pas toujours très inspirées ou, à tout le moins, clairement identifiées. On pense notamment au bouton de démarrage, qui se trouve là où on ne l'attend pas, ou à la sélection des rapports à l'aide de boutons-poussoirs (idée introduite par Chrysler dans les années 50). Celle-ci, remise au goût du jour, a permis de ménager plus de rangement et, surtout, d'inaugurer une console flottante à la Volvo avec un espace additionnel à l'étage inférieur. Un concept repris cette fois de la (peu) regrettée Buick RendezVous.

En dépit de dimensions extérieures somme toute généreuses, l'espace à bord de la MKZ est compté. À l'avant, ça va, mais à l'arrière, c'est serré, et la garde au toit est aussi plutôt juste. On peut également ergoter sur l'étroitesse des sièges ou sur la rareté des rangements disponibles aux places arrière.

Quant au coffre, l'échancrure étroite, en raison des feux profilés mais un peu envahissants, et la surface irrégulière ne facilitent pas le chargement des bagages.

Plutôt que de subir ce choix classique, Lincoln a décidé de l'assumer et de donner à sa voiture une allure délibérément singulière avec un toit ouvrant gigantesque (en option) qui se laisse glisser sur la lunette arrière. C'est très impressionnant, mais la visibilité, déjà problématique, n'en est que plus mauvaise.

Mais encore?

Comme certaines créations passées de Lincoln, la MKZ compte bousculer les idées reçues. Mais pour cela, faire du style ne suffit pas.

Ontologiquement assimilé à un constructeur de voitures plantureuses, mais indolentes, Lincoln s'est mis, depuis quelques années déjà, à l'heure européenne. Et cette Lincoln enterre à son tour l'image de la berline américaine bedonnante, au train arrière baladeur et aux suspensions spongieuses, torturant ses pneumatiques au moindre virage serré.

Pour imposer une nouveauté sur le marché des voitures de luxe, il faut aussi de la technologie. Sur ce point, la MKZ en a un plein rayon, même si elle est conçue à l'origine sur la même plateforme que la Ford Fusion. Lincoln n'a pas lésiné sur les équipements high-tech: des capteurs d'angles morts, le système d'alerte de franchissement involontaire de ligne et une suspension semi-active, pour ne nommer que ceux-là.

Conducteur et passagers apprécieront le silence de fonctionnement et la suspension, dont la douceur engendre un subtil effet «tapis volant» que l'on peut raffermir en sélectionnant le mode d'amortissement «sport». Souple, précise, mais un brin engourdie, la direction ne renvoie aucune sensation de pesanteur dans le volant de cette auto confortable, à défaut d'être vraiment fougueuse.

Bien entendu, le moteur V6 qui anime la version la plus huppée ne manque pas de pédale. D'une cylindrée de 3,7 litres, il se révèle efficace sans avouer une puissance folle, et sa sonorité plutôt soyeuse se fait agréable à l'oreille. Quant à la boîte de vitesses semi-automatique qui l'accompagne, elle est parfaitement étagée.

Cette dernière autorise également le passage manuel des rapports à l'aide de palettes en plastique bon marché. En fait, hormis sa grande souplesse, ce moteur mérite considération, puisqu'il est le seul pouvant être associé à un rouage à quatre roues motrices. Celui-ci, plus réactif qu'actif, vise avant tout à rendre la conduite plus sûre sur une chaussée à faible coefficient d'adhérence, et non à accroître la vitesse de passage en courbes.

Il existe deux autres mécaniques au catalogue de ce modèle. Une version quatre cylindres de deux litres suralimenté par turbocompresseur et une autre hybride (mi-essence, mi-électrique). Celle-ci a déjà fait l'objet d'un compte rendu dans ces pages, dans le cadre d'un duel du mois.

Sur la route, elle tient son rang et impose un niveau de consommation de carburant moins déraisonnable qu'en milieu urbain. Malgré une pédale spongieuse, le freinage s'avère efficace et les distances d'arrêt, raisonnables, même avec des pneus d'hiver.

Au final, hormis son emballage singulier, la MKZ ne casse rien. Considérant sa taille, son habitacle ressemble plutôt à un écrin, et la nomenclature de sa gamme mériterait certains ajustements pour la rendre plus compétitive par rapport à une concurrence qui offre des places plus confortables et un agrément de conduite plus relevé.

L'essentiel

> Marque/Modèle : Lincoln MKZ

> Fourchette de prix : 37 960 $ à 44 120 $

> Garantie de base : 4 ans / 80 000 km

> Consommation réelle: 11,9 L/100 km

> Rivales à surveiller : Lexus ES,

> Volkswagen CC

> Pour en savoir plus : www.lincolncanada.com

Fiche technique

> Moteur : V6 DACT 3,7 litres

> Puissance : 300 ch à 6500 tr/mn

> Couple : 277 lb-pi à 4000 tr/mn

> Poids : 1746 kg

> Rapport poids/puissance : 5,82 kg/ch

> Accélération 0-100 km/h : 7,52 secondes

> Mode : intégral

> Transmission de série : semi-automatique, six rapports

> Transmission optionnelle : aucune

> Direction/diamètre de braquage : crémaillère/11,5 mètres

> Freins avant/arrière : disque/disque

> Pneus : 245/45R20

> Capacité du réservoir de carburant/carburant recommandé : 66 litres/ordinaire

On aime

> Les paramètres de la suspension semi-active

> La verve du moteur 3,7 litres

> Les audaces (style et présentation)

On aime moins

> L'inconfort des sièges et de la position de conduite

> La piètre visibilité

> Le tarif et la nomenclature de la gamme