Pour tourner le dos aux errements baroques du passé et retrouver toute crédibilité, Lincoln concentre ses efforts sur le – très lucratif – marché des utilitaires. La sortie de l’Aviator confirme que la firme américaine a renoué pour de bon avec une habitude longtemps oubliée : surprendre.

Longtemps enfermé dans le folklore caricatural de la grosse voiture américaine, Lincoln se remet à faire rêver les consommateurs.

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L’impressionnante calandre de maille de l'Aviator

Finies les initiales froides et conventionnelles. Désormais, Lincoln baptise – entre ciel et mer – ses créations d’appellations plus romantiques : Aviator, Navigator, Nautilus...

Assumer pleinement son identité américaine

Plus important encore, la marque ne cherche plus à suivre le chemin balisé des marques allemandes et asiatiques, mais revendique plutôt fièrement sa culture automobile américaine.

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Lincoln baptise – entre ciel et mer – ses créations d’appellations plus romantiques : Aviator, Navigator, Nautilus...

Depuis de nombreuses années, un étrange brouillard entourait l’identité de cette marque qui célébrera pourtant son centenaire d’ici peu. Ses dirigeants assurent aujourd’hui qu’ils ont retrouvé leurs repères et que l’avenir est tout tracé : proposer des véhicules privilégiant le « confort d’un sanctuaire », la technologie dernier cri et un certain goût de l’Amérique. Bonne ou mauvaise, cette clarification laisse croire, à tout le moins, que Lincoln a retrouvé la capacité de formuler des choix et de s’y tenir. Il reste maintenant à tenir ses promesses et à trouver son public.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, clarifions que l’Aviator ne remplace pas directement le MKT (dérivé du Ford Flex) au sein de la gamme. Il occupe néanmoins le même rôle : faire le pont entre le Nautilus et le Navigator.

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Les contre-portes se décorent de cuir souple et de haute laine.

Soulignons également que l’Aviator épouse une architecture inédite et une foule d’innovations techniques. À la suite des problèmes de qualité rencontrés au démarrage de la production, sans doute la direction de Lincoln a-t-elle sous-estimé la complexité du projet. Ou a-t-elle plutôt surestimé sa capacité à produire en temps voulu un véhicule à la fois original et respectant les exigences de l’univers du luxe automobile ?

Américanité flamboyante

Une fois de plus, personne ne reprochera à Lincoln d’avoir oublié ses racines.

L’Aviator exhale une américanité dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle est assumée pleinement. Un utilitaire bien charpenté, un brin provocant, capable de flirter, dans la forme, entre le gothique flamboyant et le baroque.

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Un utilitaire bien charpenté, un brin provocant, capable de flirter, dans la forme, entre le gothique flamboyant et le baroque.

Plutôt équilibré, le profil très régulier ne cherche pas à forcer sur les effets de contraste. Le coffre proéminent et ce capot majestueux dont surgit l’impressionnante calandre de maille renouent ouvertement avec les codes esthétiques intemporels du luxe. Majestueux (plus de cinq mètres de long), l’Aviator ne revendique pas seulement l’héritage d’une marque, mais, bien au-delà, réinterprète le chic et le raffiné que les créateurs américains de Lincoln (et Cadillac) ont su si bien traduire pendant des décennies avant de tomber en désuétude.

Garantie de quatre ans ou 80 000 km

Aux futurs propriétaires est promis un traitement de faveur : livraison à domicile (ou au travail), mise à disposition d’un véhicule de courtoisie en cas d’immobilisation, entretien gratuit, garantie de quatre ans ou 80 000 kilomètres.

Agréable à l’œil, le tableau de bord s’habille d’un revêtement qui évoque le galuchat, un cuir de requin ou de raie utilisé depuis longtemps en ébénisterie.

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Agréable à l’œil, le tableau de bord s’habille d’un revêtement qui évoque le galuchat.

Celui-ci s’agrémente de sobres placages de bois, d’aluminium bouchonné et piano noir, alors que sièges et contre-portes se décorent de cuir souple et de haute laine. L’instrumentation est bien disposée, classique et élégante avec de petits raffinements tels les chiffres des cadrans, très lisibles, mais qui semblent flotter dans l’espace. Il y a aussi ce siège auquel sont intégrés – en option – 30 réglages pour faciliter (ou compliquer, c’est selon) la recherche d’une position de conduite agréable.

Tablette électronique

Correctement identifiées et aisées à manipuler, les principales commandes se doublent d’une tablette électronique qui donne l’impression d’avoir été déposée là, sans attaches, au beau milieu du tableau de bord.

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La tablette électronique donne l’impression d’avoir été déposée là, sans attaches, au milieu du tableau de bord.

Grâce à ses dimensions extérieures, l’Aviator n’est pas avare d’espace pour les jambes et les coudes, mais ce commentaire ne s’applique qu’aux occupants des places avant et de la section médiane.

La troisième rangée, elle, est, comme c’est trop souvent le cas sur ces véhicules, conçue à l’usage presque exclusif de jeunes enfants. Les assises sont basses, le support inexistant. Un adulte normalement constitué aura du mal à tenir plus d’une heure.

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La troisième rangée est conçue à l’usage presque exclusif de jeunes enfants.

Dès lors, la meilleure option pour justifier l’encombrement de ce véhicule et rendre justice à sa polyvalence – le volume du coffre est satisfaisant même avec tous les sièges occupés – consiste à opter pour une banquette pleine largeur pour la section médiane en lieu et place des baquets étroits et pas assez enveloppants proposés.

Détecteur de nids-de-poule

L’assise haute, l’habitabilité et le silence de fonctionnement de l’Aviator apportent une expérience différente.

À la condition de ne pas le prendre pour un utilitaire sportif virevoltant et à conduire pied au plancher, ce véhicule exécute parfaitement son travail.

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L’Aviator fait le pont entre le Nautilus et le Navigator.

Plutôt feutré sur ses suspensions pneumatiques, l’Aviator prétend atténuer les secousses associées au passage du véhicule dans un nid-de-poule. Le concept est ingénieux – une caméra se charge de les repérer aux loin et adapte les suspensions en conséquence – pour peu que les attentes ne soient pas trop élevées. Force est de reconnaître que la taille des nids-de-poule au Québec est parfois bien distincte de celle que l’on retrouve ailleurs. Mais pour peu que la chaussée soit pavée correctement, l’Aviator semble glisser sur la route et procure des sensations saines et agréables, à défaut d’être réellement enthousiasmantes.

Il se distingue aussi par son freinage efficace. En ville, son encombrement n’est pas trop gênant, malgré un diamètre de braquage qui ne facilite pas toujours les manœuvres dans les espaces restreints. Une aide au stationnement est proposée en option.

Modes Excite et Éco pas très utiles

La direction offre un ressenti suffisant pour l’inscrire sans appréhension dans les virages. À ce chapitre, comme tous les véhicules de cette catégorie, il est possible de configurer plusieurs éléments dont, notamment, la réponse de l’accélérateur et de la boîte de vitesse, pour vivre l’expérience recherchée au volant. Disons-le tout net, il n’y a guère de différence, alors pourquoi ne pas prioriser le mode « normal », le plus homogène ? En mode « Excite », la boîte à 10 rapports, au demeurant agréable et doublée d’inutiles palettes au volant, hache grossièrement les vitesses, tandis que le mode « Eco » les fait languir.

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Ce mastodonte pèse plus de deux tonnes.

L’Aviator tient donc correctement la route et propose aussi un choix de motorisations (essence ou hybride). La version « tout essence » du V6 3 litres suralimenté délivre une puissance suffisante pour entraîner ce mastodonte (plus de deux tonnes), mais au prix d’une consommation décevante.

5000 $ de plus pour la version hybride

Comme bien d’autres véhicules, la version hybride est la plus performante. Avec 494 chevaux et 630 livres-pied de couple, cette motorisation entraîne un débours additionnel de quelque 5000 $.

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L’Aviator n’est pas avare d’espace pour les jambes et les coudes.

À noter que cette déclinaison dotée d’un moteur électrique d’une puissance équivalente à 100 chevaux et d’une batterie de 13,6 kWh était indisponible au moment de cet essai. Aucune donnée sur la consommation n’a été transmise, si ce n’est que cette version hybride ne pourra parcourir qu’une trentaine de kilomètres sans faire briller les bougies du moteur thermique.

C’est peu, mais ça calmera certaines consciences, hélas !

Identité propre

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Bien que l’Aviator demeure apparenté à l’Explorer de Ford (photo) sur le plan technique, il entend, cette fois, s’en distancier et affirmer sa propre identité.

Cloué au sol après une brève envolée (2003-2005), l’Aviator étend de nouveau ses ailes. Bien que cet utilitaire demeure apparenté à l’Explorer de Ford (notre photo) sur le plan technique, il entend, cette fois, s’en distancier et affirmer sa propre identité. Pour ce faire, il propose, par exemple, des avancées inédites en matière de confort, de sécurité et de services d’entretien pour mieux justifier son statut et son prix élitiste.

Atterrissage forcé

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Lincoln effectue des contrôles de qualité et des inspections supplémentaires avant que ses Aviator quittent l’usine.

Officiellement, l’Aviator a fait l’objet de deux rappels déjà depuis sa sortie. L’un portait sur le manque potentiel de retenue des sièges en cas d’accident ; l’autre, sur l’absence d’un couvercle rattaché au frein de stationnement. Mais les retards d’approvisionnement enregistrés jusqu’ici ne tiennent pas seulement à ces deux rappels. Plusieurs premiers acheteurs se sont plaints aussi de diverses défaillances, électroniques pour la plupart. La marque a réagi avec célérité en effectuant des contrôles de qualité et des inspections supplémentaires avant de quitter l’usine.

Partagez votre expérience

La Presse publiera prochainement l’essai des véhicules suivants :  Ford Mustang, Hyundai Sonata, Mercedes Classe A et Mitsubishi RVR. Si vous possédez l’un de ces véhicules ou si vous envisagez d’en faire l’acquisition, nous aimerions bien vous entendre.

Fiche technique

Moteur

V6 DACT 3 litres turbocompressé

400 ch à 5500 tr/min

415 lb-pi à 3000 tr/min

Performances

Poids : 2221 kg

Rapport poids/puissance : 5,55 kg/ch

Capacité maximale de remorquage : 3039 kg

Boîte de vitesse

De série : automatique 10 rapports

Optionnelle : aucune

Mode d’entraînement : intégral (4 roues motrices)

Pneus

255/55R20 (de série)

Capacité du réservoir et essence recommandée

79 litres

Super

Consommation

12,3 L/100 km

Dimensions

Empattement : 3025 mm

Longueur : 5063 mm

Hauteur : 1757 mm

Largeur : 2022 mm*

* excluant les rétroviseurs extérieurs

sine. D’où le dérapage du calendrier de livraisons.