Il y a 60 ans, la Mini a surpris le monde. Cette voiture d’à peine trois mètres de long se présentait alors comme « révolutionnaire sans être extravagante ». Elle répondait surtout à un besoin : offrir aux Britanniques, démoralisés par la crise de Suez, une auto bon marché. Un mandat dont elle s’est acquittée avec brio et plus encore. La Mini était à la Grande-Bretagne ce que la Beetle de Volkswagen était à l’Allemagne. Une icône.

Des idées bien arrêtées

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Alec Issigonis.

Sir Alec Issigonis (1906-1988), père de la Mini, était un homme charmant doté d’un sens de l’humour sans pareil, et il avait des idées bien arrêtées sur l’automobile. « Mes voitures, disait-il, n’ont jamais d’autoradio, car je préfère me concentrer sur la conduite. » C’est d’ailleurs sans doute pour cette raison que la position de conduite de la Mini (originale) était si atypique pour l’époque et qu’elle a fait dire à ses collaborateurs qu’elle s’apparentait à celle d’un camion. « Tant mieux, ses conducteurs seront tenus en éveil et seront donc plus attentifs à leur conduite. »

À contre-courant

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Placé à l’avant en en position transversale, le moteur occupait un espace réduit.

Dans les années 50, le moteur des petites voitures à prix populaires était généralement logé à l’arrière, au-dessus des roues motrices. « Et elles ressemblent toutes à des œufs », grognait Alec Issigonis. Celui-ci s’est donc proposé d’offrir « une vraie auto, mais en format réduit ». Pour y parvenir, l’ingénieur d’origine grecque a repoussé les roues dans les coins, réduit les porte-à-faux à presque rien et, surtout, a implanté le moteur à l’avant en position transversale au-dessus des roues motrices. Résultat : 80 % de l’espace qu’occupe cette auto est consacré au volume intérieur et seulement 20 % à la mécanique. Le concept allait faire école, la première citadine moderne était née.

Un départ lent

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Qu’ont en commun Steve McQueen, George Harrison, Enzo Ferrari et Mr. Bean ? Ils ont tous été vus au volant d’une Mini. Mais pas à ses débuts. En 1959, aussi originale fût-elle, la Mini a connu un départ commercial plutôt lent. Son prix (environ 800 $CAN à l’époque) était jugé prohibitif par la clientèle visée. Son envol, elle le doit à ses déclinaisons sans cesse plus nombreuses, à ses succès sportifs, mais surtout aux classes supérieures bohèmes nées du Swinging London, qui ont fait de la capitale britannique l’épicentre de la culture pop et de la mode.

La fièvre de la compétition

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La Mini au Rallye de Monte-Carlo de 1965.

À l’époque, l’architecture atypique de ce modèle a donné bien des idées. Dont celle d’inscrire la Mini en compétition. Une idée complètement farfelue, jugeait Issigonis, mais il s’est tout de même laissé convaincre par un certain John Cooper (un sorcier de la clé anglaise) que l’agilité de la Mini, conjuguée à sa légèreté et à son comportement routier sans pareil (pour l’époque, s’entend), ferait un malheur sur les circuits. Et il avait raison. La Mini, contrairement à la Beetle, par exemple, a remporté à trois reprises le Rallye Monte-Carlo (le vrai, pas celui de Disney), en plus de se distinguer dans de nombreuses autres épreuves aux mains de professionnels et d’amateurs qui tous ont loué sa prodigieuse maniabilité et l’excellence de sa tenue de route, surtout sous la pluie.

De nombreux dérivés

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Camionnette Mini

Née sous les dénominations Austin Seven et Morris Mini Minor, la Mini a connu plusieurs déclinaisons au fil des ans. En l’allongeant parfois juste un peu, la British Motor Corporation (BMC) l’a transformée en fourgon commercial, en camionnette (notre photo) ou encore en familiale ou en décapotable. Toutes les carrosseries l’ont habillée, même si certaines n’ont jamais véritablement connu le succès escompté. Parallèlement, la BMC, de concert avec les préparateurs John Cooper, Riley Elf, Hornet et Wolseley, a proposé des versions à la fois plus puissantes et plus luxueuses encore de ce modèle à l’origine destiné à la classe moyenne.

Et demain ?

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Une Mini E tout électrique.

Les normes de sécurité de plus en plus sévères et une industrie automobile britannique en décrépitude ont eu raison de la Mini. Le 4 octobre 2000, la production de la Mini originale s’est arrêtée pour mieux être relancée l’année suivante sous la houlette de BMW, son nouveau propriétaire. Avant, la Mini n’était qu’un modèle. Aujourd’hui, c’est une marque à part entière. Bien qu’il soit plus imposant, plus lourd et plus cher, BMW a habilement orchestré la résurrection de ce modèle culte. La marque a multiplié à son tour les variantes, mais plusieurs d’entre elles ont néanmoins raté la cible (Roadster, Coupé, Paceman), et ce, en dépit d’une mise en marché originale et parfaitement structurée.

Aujourd’hui, Mini prépare sa prochaine révolution avec l’aide de la fée électricité. La Mini E, créée en 2008 comme ballon-sonde pour juger de l’intérêt des consommateurs, mais aussi pour valider les progrès des batteries, ne restera pas laissée sans descendance. Une nouvelle génération promise cette fois à une production à grande échelle (la Mini E ne fut produite qu’à 450 exemplaires) sera offerte dès l’an prochain. Déjà 45 000 acheteurs potentiels ont manifesté l’intention de l’acquérir.

La Mini en chiffres

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L'usine Mini d'Oxford, au Royaume-Uni.

Toutes déclinaisons confondues, quelque 5 millions de la première génération de la Mini (1959-2000) ont vu le jour. C’est peu par rapport à d’autres icônes du marché, mais qu’à cela ne tienne, la petite britannique est aujourd’hui considérée, après le Model T, comme le véhicule le plus marquant du XXsiècle, selon un jury composé d’experts, et elle a valu à son concepteur, Alec Issigonis, d’être anobli par la reine d’Angleterre pour sa contribution inestimable à l’industrie automobile anglaise. Et dire que Sir Alec Issigonis n’a jamais considéré la Mini comme sa réalisation la plus satisfaisante.