Jean-Dominique Senard, le patron du français Michelin, deuxième fabricant mondial de pneumatiques, a été intronisé jeudi successeur de Carlos Ghosn à la tête du constructeur automobile Renault, et donc, théoriquement, de l'Alliance avec Nissan-Mitsubishi.

« Il est important aujourd'hui de retrouver une forme de sérénité après les événements particulièrement extraordinaires que nous venons de vivre », a déclaré M. Senard à la sortie du conseil d'administration de Renault, qui a par ailleurs nommé Thierry Bolloré directeur général. Le nom de Carlos Ghosn, qui avait démissionné mercredi soir, n'a pas été prononcé.

Le conseil d'administration a insisté sur la priorité pour le nouveau président de piloter l'Alliance avec Nissan et Mitsubishi, mise à rude épreuve par la détention de M. Ghosn au Japon.

Le conseil « souhaite superviser activement le fonctionnement de l'Alliance et décide de confier à son président la pleine responsabilité du pilotage de l'Alliance pour le compte de Renault, en liaison avec le directeur général », selon le conseil.

M. Senard « aura vocation à être le représentant principal de Renault dans les organes de direction de l'Alliance », a-t-il ajouté sans plus de précision.

Les statuts de l'Alliance prévoient que son PDG soit nommé par Renault, alors que Nissan choisit le vice-président. Renault détient 43 % de Nissan, qui lui-même possède 15 % de Renault (mais sans droit de vote) et 34 % de Mitsubishi, et juridiquement, le pouvoir est bien aux mains de Renault.  

Mais Nissan pèse près de deux fois plus que Renault en Bourse, et la situation génère des rancoeurs au Japon.

L'Alliance est le numéro un mondial de l'automobile, avec 10,6 millions de véhicules vendus en 2017, dont 3,76 millions pour Renault et 5,81 millions pour Nissan.

Jean-Dominique Senard, qui fêtera ses 66 ans en mars, jouit d'une image de patron social. Il a les faveurs du gouvernement français alors que l'État français est premier actionnaire de Renault avec 15 % du capital et quelque 22 % des droits de vote.

Parallèlement à ses nouvelles fonctions, il conservera la présidence de Michelin jusqu'en mai, au moment où il avait prévu de longue date de passer la main, a précisé de son côté le manufacturier de pneumatiques.

« Positif », selon Nissan

Nissan a « salué » ces nominations, son patron Hiroto Saikawa espérant « une meilleure communication » après plusieurs semaines « difficiles ». « C'est une nouvelle page qui se tourne », a-t-il dit.

Après avoir fustigé la concentration excessive de pouvoir aux mains de M. Ghosn, M. Saikawa a jugé « positive » la mise en place d'une nouvelle structure à la tête de Renault, avec un binôme aux commandes.

A Paris, le ministre français de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a « souhaité plein de succès à Jean-Dominique Senard et Thierry Bolloré ». « L'alliance Renault-Nissan doit rester le numéro 1 mondial et continuer à faire la fierté de ses salariés », a-t-il écrit dans un tweet.

« L'alliance Renault-Nissan a besoin d'une gouvernance solide et stable pour relever les défis de la double révolution technologique de l'industrie automobile : celle des batteries et moteurs électriques mais aussi celle des véhicules autonomes », a-t-il ajouté.

Carlos Ghosn, qui a démissionné de la présidence de Renault mercredi soir, est visé par trois inculpations, pour abus de confiance et minoration de ses revenus aux autorités boursières entre 2010 et 2018 au titre de ses fonctions chez Nissan. Son procès, à l'issue duquel il risque jusqu'à 15 ans de prison, n'aura pas lieu avant des mois.

Thierry Bolloré, 55 ans, assurait l'intérim depuis fin novembre et représente la continuité au sein du groupe qu'il a rejoint en 2012, en provenance de l'équipementier Faurecia. Il est fin connaisseur de l'Asie et du Japon, un vrai plus à l'heure où les rapports futurs entre Nissan et Renault interrogent jusqu'en interne.

Car si le directeur général de Nissan, Hiroto Saikawa, martèle que l'alliance entre Renault et Nissan, bâtie par Carlos Ghosn, n'est « absolument pas en danger », les interrogations restent importantes.

Photo Reuters

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