«Polarisant», «hallucinant», «extrême» et… «laid comme un péché» ! Ce ne sont pas les qualificatifs qui ont manqué aux amateurs de véhicules électriques en général et de Tesla en particulier, en voyant Elon Musk, PDG du groupe californien, dévoiler le Cybertruck, jeudi soir. Une camionnette tout à l’image du flamboyant homme d’affaires, en fin de compte.

Depuis le temps, Tesla semble a pris goût à brasser les idées reçues et les méthodes conservatrices de l’industrie automobile. Aux prises avec une capacité de production qui limite ses ambitions, sa stratégie misant sur les coups d’éclat, plutôt que sur la recherche du consensus, lui sied plutôt bien. Son arrivée dans le marché de la camionnette, sorte d’eldorado sur quatre roues pour les fabricants américains, ne fait pas autrement.

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«Je suis loin d’être convaincu que ce pick-up sera autre chose qu’un produit de niche», débute Daniel Breton, ancien ministre de l’Environnement à Québec, et maintenant porte-parole de l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ).

«Son look est très radical, alors que la clientèle des acheteurs de pickups est généralement conservatrice.»

Daniel Breton, porte-parole de l’AVEQ

Voilà un avis modéré et charitable : on trouve aussi des titres comme LAID COMME UN PÉCHÉ ce matin pour décrire le Cybertruck, comme l'a écrit l'auteur spécialisé en haute technologie John Koetsier, dans le magazine Forbes.

Tesla maîtrisant la propulsion électrique, on s’attendait à des surprises sous la carrosserie. Mais ç’aurait été d’oublier les promesses faites par Musk sur Twitter ces derniers mois à propos d’un véhicule «comme aucun autre que j’aie vu avant lui».

Ses formes angulaires le sortent complètement du cadre de ce à quoi ressemblent les camionnettes grand public en 2019.

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Avec une telle apparence, le Cybertruck est peut-être condamné à être un produit de petite série.

Surtout qu’il mise sur un alliage d’acier inoxydable emprunté à la grosse capsule spatiale Starship, de SpaceX l’autre entreprise dirigée par Elon Musk.

Une camionnette pare-balles, sauf que…

Le Starship est un véhicule réutilisable qui enverra éventuellement des touristes dans l’espace. Une particularité de cet acier? «C’est un alliage ultra-dur, ultrarésistant qu’on a développé pour le Cybertruck et le Starship», a dit Musk. «Il est littéralement pare-balles, pouvant résister à des balles de neuf millimètres», a assuré le PDG. Un jeune employé en forme a d'ailleurs démontré la résistance de la carrosserie à coups de masse dans une portière, qui n'a subi aucun dommage observable.

La carrosserie, peut-être, mais les vitres non. Musk n'a pu retenir un juron lorsqu'une démonstration de la solidité des vitres a tourné au désastre : deux vitres ont été fissurées au moment de démontrer sa soi-disant résistance.

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Pour 39 900 $ US, il semble qu'on n’ait pas un pickup aux vitres pare-balles. Elon Musk avait l'air contrarié quand les deux vitres censées être pare-balles n'ont pu résister à une démonstration. Un employé a lancé une boule d'acier dans les deux vitres. Les deux se sont fissurées.

«Le pickup officiel de la planète Mars», mais Musk en vendra-t-il sur Terre ?

Musk a aussi indiqué que le Cybertruck pourrait devenir la «camionnette officielle de la planète Mars», ce qui reste évidemment à être démontré, mais ce qui en dit long sur l’inspiration derrière son design global.

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La benne fait 2 mètres de longueur.

Ainsi, outre sa capacité de chargement légèrement supérieure à 1500 kilos (3500 livres), la camionnette hérite d’une suspension pneumatique arborant une garde au sol pouvant atteindre 40 cm et un débattement de 10 centimètres, qui facilitera l’accès à la benne, à l’arrière.

Longueur : 5,9 m
Largeur : 2 m
Hauteur : 1,9 m
Benne : 2 m

Celle-ci peut être entièrement recouverte, ce qui ajoute 2800 litres (100 pieds cubes) d’un rangement additionnel ainsi protégé des intempéries, au besoin.

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La benne peut être entièrement recouverte.

Autre détail important, cette camionnette entièrement électrique affiche une capacité de remorquage maximale de 6350 kilos (14 000 livres), ce qui la démarque des modèles à essence comme le F-150 de Ford, à 5900 kilos (13 000 livres).

Un cadeau pour Rivian?

Tout ça rend la mécanique du Cybertruck plutôt banale, même si ce n’est pas nécessairement le cas. C’est surtout que Tesla a habitué sa clientèle à des statistiques comme de ce genre : 400 km d’autonomie pour la version de base, animée par un seul moteur électrique propulsant les roues arrière. La puissance du modèle de base suffit à boucler le fameux 0-100 km/h en 6,5 secondes. La version trimoteur, annoncée pour 2021-22, le fera en 2,9 secondes.

La production de ce modèle débutera en 2021. Des versions à deux et même trois moteurs, et à l’autonomie prolongée (480 km et 800 km, respectivement) seront produites l’année suivante. Leur prix de détail variera de 40 000 à 70 000 $ US, excluant certaines options, comme la conduite entièrement autonome (9200$ US).

PHOTO RIVIAN

L'avènement du Cybertruck semble surtout dégager un espace pour les nouveaux venus, comme le R1T de l’Américain Rivian, croit Daniel Breton, de l’AVEQ.

Tout ça mis ensemble, les analystes semblent perplexes, sans être pessimistes, lorsque vient le temps de parler des chances que cette nouveauté devienne un succès commercial. Même dans trois ans, le Cybertruck sera un des très rares pickups entièrement électriques sur le marché. Des grands constructeurs, seul Ford a laissé entendre qu’une version électrifiée du F-150, son modèle le plus vendu en Amérique du Nord, pourrait être commercialisée d’ici là.

Ça semble surtout dégager un espace pour les nouveaux venus, comme l’Américain Rivian, indique Daniel Breton, de l’AVEQ. Rivian espère commercialiser sa camionnette R1T dès la fin 2020. Ce modèle se vendra toutefois à partir de 70 000 $US, ce qui pourrait refroidir les ardeurs des acheteurs les plus pressés de passer à l’électrique.

Son look, par contre, semble soudainement beaucoup plus conventionnel qu’il y a trois jours à peine…