Le spécialiste montréalais en intelligence artificielle Element AI a annoncé le mois dernier avoir conclu une entente avec un des principaux fabricants de composants d’automobiles au Japon, afin d’améliorer la qualité de pièces produites en grande partie pour le compte du groupe Toyota.

Dans le jargon de cette industrie, Element AI fournira à Aisin Seiki, quatrième fabricant de pièces automobiles au monde, des « outils d’explicabilité » qui aideront les travailleurs et les dirigeants de l’entreprise à mieux comprendre les décisions prises par les algorithmes automatisant la production de pièces en usine. Le groupe Aisin recourt à des ordinateurs équipés de caméras vidéo qui inspectent chacune des pièces qu’il fabrique. Le système est sophistiqué et génère un « effet de boîte noire » quant à ses décisions. Pourquoi telle pièce est-elle satisfaisante, alors que telle autre ne l’est pas ?

« Ça mène à des situations où il faut ensuite inspecter chacune de ces pièces manuellement de toute façon, ce qui élimine tout bénéfice promis par la technologie, résume Dan Wilson, directeur des ventes chez Element AI. En expliquant la prise de décision, on souhaite établir un lien de confiance entre l’IA, les gens qui travaillent à ses côtés, et avec leurs clients. »

Le délicat lien de confiance avec l’IA en voiture

En automobile, on parle surtout d’intelligence artificielle dans un contexte de conduite autonome. La vision par ordinateur, la prise de décision et tout le reste sont évidemment mis à contribution lorsque vient le temps de lâcher le volant et de laisser la voiture agir d’elle-même. Le rôle de l’IA est toutefois bien plus grand que cela dans cette industrie plus que centenaire. C’est la chaîne de production de bout en bout qui promet d’être transformée par l’apprentissage machine, même si ça risque d’être un peu plus long que prévu à survenir.

« Comme ailleurs, le secteur manufacturier fait face à plusieurs écueils, dont la pénurie de main-d’œuvre. Le secteur automobile est une des industries les plus importantes de ce secteur, alors pour nous, c’est une percée majeure », explique M. Wilson. C’est aussi tout un défi en termes d’interprétation des données, où il faudra appliquer des théories de recherche bien abstraites à des pratiques bien concrètes, ajoute-t-il.

« Dans la vision par ordinateur, on s’est aperçu que, par exemple, une IA pouvait distinguer un loup d’un chien en détectant la présence de neige à l’arrière-plan. Ce n’est pas le genre de raccourcis qu’on peut utiliser dans le monde industriel… »

— Dan Wilson, directeur des ventes chez Element AI

Même chose pour les prochaines générations d’interfaces vocales à bord. Quand le volant aura disparu des habitacles, il ne restera que la voix pour faire réagir le véhicule, et ça prendra une compréhension irréprochable, puisque les passagers devront d’abord avoir suffisamment confiance dans la technologie pour s’asseoir à bord…

Pour Element AI, c’est un exemple typique des limites de l’IA à l’heure actuelle. « On produit beaucoup de recherche et de projets universitaires en IA, mais on n’en transforme que très peu en applications comme celles-là. Expliquer la technologie, et la façon dont elle prend des décisions, est une grande partie de la solution. »

Vers des Toyota plus durables ?

Mais tout ça, c’est dans l’avenir. Pour le moment, l’objectif d’Aisin Seiki et d’Element AI est de réduire le nombre de pièces qui ne passent pas les tests de qualité internes. « On vise un niveau de qualité au moins équivalent à celui d’une inspection par un humain, de l’ordre des 99,9 % », illustre Dan Wilson, qui indique que la plupart de ces pièces sont ensuite livrées à Toyota, qui possède une participation de 30 % dans l’équipementier.

« Éventuellement, on espère pouvoir aller jusqu’à identifier la raison exacte pour laquelle certaines pièces sont défaillantes. Ça peut être aussi simple que leur couleur qui n’est pas exactement celle désirée, mais ça peut aussi être plus sérieux. » En d’autres mots, même si les prochaines générations de véhicules Toyota ne se conduisent pas toutes seules, au moins promettent-elles d’être un peu plus fiables que leurs prédécesseures. Et d’inspirer un peu plus confiance. Et ce sera, en partie du moins, grâce à l’IA montréalaise.