Tel un peintre, il signait chacune de ses carrosseries d'un f minuscule coiffé d'une couronne. Ce discret monogramme s'est retrouvé sur des Bentley, des Peugeot, des Cadillac, mais aussi - et surtout - des Ferrari qui, depuis 1952, s'habillent presque exclusivement chez le couturier de Turin.

Il a commencé sa carrière à l'époque où les tôles prenaient forme à coups de maillet, où les législateurs n'imposaient aucune norme particulière en matière de sécurité. Sergio Pininfarina dessinait des voitures, comme son père.

Ingénieur mécanique de formation, Sergio Pininfarina a, si on en croit la légende, fortement influencé Enzo Ferrari à produire une sportive à moteur central (la Dino), mais aussi à proposer aux Crésus de ce monde des routières inspirées de modèles de compétition. Ainsi sont nées les 250 GTO - 39 unités produites et dont le coût aujourd'hui frise les 35 millions de dollars - et 250 GTE.

Dans une entrevue accordée au New York Times en 1981, Sergio Pinifarina se disait déjà un homme comblé. «Je dessine des automobiles pour un tout petit groupe de consommateurs. Donc, je dessine les autos que j'aime et celles-ci sont offertes à des gens qui partagent le même amour que moi.»

À l'en croire, le secret de son gracieux coup de crayon tenait à bien peu de choses. «Une belle harmonie d'un pare-chocs à l'autre, des proportions gracieuses, une touche de classicisme et une autre de bon goût.»

Sergio Pininfarina était donc un romantique. Il ne s'en cachait pas. Pour lui, l'automobile n'a jamais été une affaire de mode. «Elle doit être intemporelle et unique.»

Création et... excuses

Plusieurs créations du styliste italien correspondent à cette définition. Les Ferrari surtout, mais pas toutes. La Testa Rossa de 1984 avec ses flancs rayés de longues arêtes était d'un goût douteux. Sergio Pininfarina s'en est d'ailleurs presque excusé. «Au milieu des années 80, les voitures sont devenues plus tristes. Un peu à cause de la crise, un peu parce que les normes de construction ont entraîné une certaine uniformité.»

Comme l'histoire se répète. Nous pourrions dire la même chose aujourd'hui du design mou de la production actuelle.

Même si Ferrari est son fonds de commerce, Pininfarina appose tout de même son nom sur des téléphones portables, des chaînes audio et même des disques externes pour ordinateurs. Il s'égare. Normal, les constructeurs automobiles sonnent de moins en moins à sa porte, préférant créer leurs propres studios de design, plus aptes à cerner la culture de l'entreprise, mais aussi les attentes des consommateurs de par le monde.

Au cours des dernières années, Pininfarina a signé une entente de collaboration avec Bolloré pour la construction d'un véhicule électrique, mais attendait surtout un appel de la Chine, de la Malaisie ou de l'Inde. Ces pays ne se contentent plus des licences des grands constructeurs pour assembler de vieux modèles. «Ce seront les nouveaux débouchés pour une société comme la nôtre.»

Sergio Pininfarina est mort lundi dernier à l'âge de 85 ans.