Comment une compagnie qui a autant besoin de clients que le Parti Vert a besoin de partisans peut-elle se permettre le luxe de larguer environ un quart de millions d'acheteurs sans sourciller? C'est pourtant ce que vient de faire General Motors en abandonnant au milliardaire américain Roger Penske la marque Saturn et, conséquemment, une banque d'acheteurs qui ferait le bonheur de bien des constructeurs.

Selon moi, le rejet de la marque Saturn par General Motors, annoncée officiellement la semaine dernière, est une erreur magistrale de la part d'un constructeur dont la réputation et les liquidités sont à leur plus bas niveau depuis des lunes.

 

N'est-il pas un peu cavalier de la part d'une compagnie qui est prête à consentir des rabais substantiels pour convaincre la clientèle de revenir chez elle, d'envoyer promener plus de 250 000 de ses meilleurs clients, soit les ventes approximatives de Saturn en 2008 aux États-Unis seulement. En plus, les acheteurs de Saturn comptaient parmi les plus loyaux du marché automobile. À telle point qu'ils ne se gênaient pas pour enguirlander les journalistes automobiles qui osaient dire du mal de leur voiture bien-aimée. Il existait même des clubs de propriétaires de Saturn qui se réunissaient régulièrement, tantôt pour une épluchette de blé d'Inde, tantôt pour une sortie à la cabane à sucre.

 

Homme d'affaires averti (on l'aurait vu à la présidence de General Motors), Roger Penske a bien vu le trésor que GM allait jeter à la poubelle et a vite sauté sur l'occasion de se procurer une marque automobile dont la réputation est raisonnablement bonne et dont les voitures et VUS étaient comparables et souvent meilleures que les produits concurrents. Rappelons que l'Aura a gagné le titre de voiture de l'année en 2007.

 





La filiation Opel

 

L'un des meilleurs coups de GM avait été la création en 1985 de la filière Saturn, dont la doctrine était un service à la clientèle irréprochable. Sourire de rigueur dans les salles d'exposition, facilité d'organiser des rendez-vous d'entretien pour les voitures, relations à la clientèle cordiale, voilà seulement trois des bases sur lesquelles la marque s'était construite.

 

Les clients avaient l'impression d'appartenir à une grande famille tissée serrée et d'être traités avec un peu plus de dignité à leur entrée chez un concessionnaire de la marque. L'une des erreurs de General Motors avec la marque Saturn a été d'avoir un peu trop allongé la sauce avec ces publicités démontrant l'invincibilité des tôles en polymères. Les acheteurs, règle générale, voient d'un mauvais oeil la possibilité d'un accident ou que leur voiture toute neuve soit endommagée par les méfaits du climat. C'est ce qui explique que, la majeure partie du temps, il fait toujours très beau dans les réclames de voitures à la télévision.

 

Tout ce dont la division Saturn avait besoin pour devenir plus profitable était une campagne de publicité et de promotion vigoureuse afin de ramener à l'avant-plan la philosophie initiale de cette marque et ses efforts pour traiter le client comme celui dont la satisfaction passe avant tout.

 

Il aurait aussi été important de miser davantage sur les origines européennes de quelques-uns de ses modèles conçus en Allemagne par Opel. Cette simple filiation n'aurait pu qu'aider la cause de Saturn, depuis que la clientèle a perdu une grande part de confiance dans les constructeurs nord-américains.

 

Au lieu de tout cela, General Motors a commis la grossière erreur d'envoyer promener plus d'un quart de million d'acheteurs des États-Unis et une vingtaine de milliers du Canada. Drôle de restructuration.

Photo GM

De façon à garder la confiance des consommateurs, ébranlés par les déboires des manufacturiers américains, Saturn aurait dû profiter davantage de sa filiation avec l'Européenne Opel, à l'origine de voitures primées comme la petite Astra.