Après des mois de suspense savamment orchestré, le groupe Renault montre mardi à Genève la version définitive de sa voiture sportive Alpine A110, renaissance d'une marque qui traduit des ambitions d'image plus que de volumes dans l'immédiat.

Les lignes de la nouvelle «berlinette», dévoilées sur photo fin février par Renault sont en fait connues depuis près de deux ans: c'est en prologue des 24 Heures du Mans, en juin 2015, qu'un prototype baptisé «Célébration» avait suscité l'émoi d'un public de connaisseurs.

Et en février 2016 à Monaco, non loin du tracé du rallye de Monte-Carlo où Alpine a écrit des pages glorieuses de l'histoire du sport automobile français, le PDG de Renault Carlos Ghosn avait présenté un modèle de pré-série, l'Alpine Vision, très proche de la version définitive.

Il s'agit mardi de la première apparition d'une Alpine nouvelle génération dans un salon automobile. Jusqu'ici, la marque avait privilégié les événements historiques (Rétromobile, Goodwood en Angleterre) pour exposer la Vision.

Néo-rétro

Dotée de deux places, l'Alpine prend l'apparence «néo-rétro» d'un hommage à la berlinette des années 1960-1970, elle aussi baptisée A110, dont la cote sur le marché de la collection a explosé: on en retrouve en particulier la silhouette râblée, le capot nervuré, la face avant à quatre phares et la surface vitrée.

M. Ghosn a promis que l'Alpine accélérerait «de zéro à 100 km/h en moins de 4,5 secondes», soit mieux qu'une Porsche 911 Carrera.

Pour ce faire, elle joue en particulier sur la légèreté: sa carrosserie est en aluminium et ses sièges baquet ne pèsent que 13,1 kg pièce, selon des informations révélées au compte-gouttes.

Renault réveille ainsi une marque mythique, fondée en 1955, tombée dans son escarcelle en 1973 mais mise en sommeil en 1995. M. Ghosn a dit voir en Alpine «une opportunité stratégique pour le groupe Renault», «une façon évidente d'entrer sur le marché des voitures de sport «premium»» (haut de gamme) pour trouver de nouveaux clients.

Seulement 1955 unités, toutes vendues d'avance

Construite dans la petite usine historique de Dieppe (Seine-Maritime) où Renault a annoncé en 2016 le recrutement de 130 personnes dont 90 en contrat à durée indéterminée, l'Alpine de série va d'abord sortir à 1955 exemplaires «première édition», tous pré-réservés en l'espace de quelques jours fin 2016.

Ce lancement d'Alpine ajoute une marque premium dans la galaxie du groupe Renault, en plus de l'enseigne bon marché Dacia, des investissements dans Samsung Motors en Corée et dans Lada en Russie, sans parler de l'alliance avec Nissan. L'arrivée d'Alpine s'effectue alors que l'entreprise affiche des indicateurs au beau fixe: 3,54 milliards d'euros de bénéfice net en 2016 et 3,18 millions de véhicules vendus dans le monde, lui permettant de doubler son rival PSA.

Ironie de l'histoire, la renaissance d'Alpine doit beaucoup à l'ancien numéro deux de Renault féru de sport automobile, Carlos Tavares, devenu en 2014 le patron de PSA. Au nom de la rationalisation des gammes, celui-ci a présidé en 2015 à l'élimination du coupé sportif RCZ de la gamme Peugeot.

Concurrencer Porsche, Alfa Romeo et Lotus

L'A110 sera commercialisée en fin d'année à un prix situé «entre 55 000 et 60 000 euros». Ses concurrentes sont notamment les Porsche 718 Cayman, Alfa Romeo 4C et Lotus Elise.

Dans un marché mondial qui n'absorbe que quelques dizaines de milliers d'unités de tels coupés sportifs chaque année, les consultants d'IHS Markit ont estimé que les Alpine seraient commercialisées à 1300 exemplaires en 2018.

«Il est évident que cela ne va pas représenter de gros volumes», relève Rémi Cornubert, expert du secteur automobile chez AT Kearney. Cette stratégie de mettre en avant une voiture sportive emblématique permet de gagner en image et d'entrer sur un juteux segment haut de gamme qui est le seul, avec le «low-cost», à connaître une solide croissance au niveau mondial, indique-t-il.

Et après, un VUS Alpine ?

Pour Guillaume Crunelle, associé responsable industrie automobile chez Deloitte, la renaissance d'Alpine correspond à «la recherche d'un positionnement du genre d'Infiniti par rapport à Nissan», soit une marque «premium» distincte de Renault.

Reste à savoir si chez Alpine on va annoncer un VUS 4x4 urbain premium grand public qui arriverait après pour compléter la gamme, remarque-t-il.