Les constructeurs vivent un dilemme en Chine : le gouvernement veut qu'ils vendent des autos électriques mais les acheteurs veulent des VUS énergivores.

L'État chinois envisage d'obliger dès 2018 toutes les marques à produire un nombre d'autos électriques atteignant 8 % de leur production totale. Les acheteurs vont dans la direction opposée : les ventes de VUS ont bondi de 21 % --à 2,4 millions d'unités-- au premier trimestre, tandis que les ventes d'autos électriques ont chuté de 4,4 %, à 55 929 unités.

Salon de l'auto de Shanghai : trop d'électriques ?

«C'est dur d'arracher des parts de marché aux VUS avec des électriques», dit l'analyste Ben Cavender, de China Market Research Group.

Le Salon de l'auto de Shanghai, qui accueillera le public vendredi, montrera de nombreux modèles électriques censés plaire aux conducteurs chinois, qui sont sceptiques face à la fiabilité et au coût de cette technologie nouvelle. 

La volonté de l'État chinois d'électrifier l'automobile est un mal de tête supplémentaire pour les constructeurs déjà aux prises avec la croissance en baisse, la concurrence en hausse dans ce marché mondial crucial. Les ventes ont cru de 15 % en mars 2016, mais de seulement 1,7% en mars 2017, mois durant lequel les ventes de VUS ont atteint 40 %, tandis que les ventes de berlines baissaient de 4,9 %.

Shanghai sera la vitrine de prototypes plus ou moins aboutis, généralement électriques ou hybrides, dont les ventes sont dopées par de généreuses subventions gouvernementales: on annonce des prototytpes de Lynk&Co (Geely), MG, Skoda, Qoros et Audi.

Ces VUS importés viennent d'être déchargés sur un quai du port de Qingdao. Photo: AFP

Toujours un marché géant

Quelque 24,38 millions de voitures individuelles ont été écoulées en Chine en 2016, loin devant les marchés américain et européen.



Le cabinet IHS anticipe une stabilisation des ventes en 2017, avant une baisse l'an prochain.

L'essoufflement de la croissance économique du géant asiatique, tombée au plus bas depuis 26 ans, et la saturation des grandes métropoles chinoises, qui ont limité drastiquement les nouvelles immatriculations pour contrer la pollution, contribuent au tassement.

«Il faut relativiser! Cela reste quand même un Eldorado pour l'automobile mondiale (...) C'est LE marché stratégique» pour les constructeurs, tempère Marc Mechaï, analyste auto chez Accenture à Paris.

Selon lui, le renforcement de la classe moyenne et la poursuite d'une urbanisation effrénée dans les  régions moins développées de l'ouest du pays soutiendront le marché.

Shanghai accueille le plus grand salon de l'auto d'Asie, mais les salons régionaux, tenus partout en Chine, sont très courus. Ci-haut, le Salon de l'auto de Nankin, dimanche. Photo: AFP

La croissance ralentit

Dans les grandes villes côtières déjà saturées, «le potentiel n'est plus si élevé, on est déjà dans un marché à l'européenne», mûr et fondé sur le renouvellement des véhicules âgés, constate François Jaumain, analyste du cabinet PwC Autofacts.

Du coup, «ce qui tire les ventes, ce sont les villes moyennes à l'intérieur du pays» mais «où les moyens financiers des consommateurs sont différents», relève-t-il.

En raison de ces disparités, on compte en moyenne environ 120 véhicules pour 1000 habitants en Chine, contre 600 en Europe, selon Accenture, soit une marge d'expansion considérable.

Autre gisement de croissance: «les flottes de véhicules liés aux services de mobilité, tels les applications de VTC ou de covoiturage, sont un créneau qui ne cesse de croître», note Bill Russo, du cabinet Gao Feng.

Mais de l'avis général, la situation se complique pour les constructeurs étrangers.

Volkswagen, General Motors, PSA ou encore Ford voient leur domination s'éroder face à l'essor de marques 100% chinoises (Geely, Great Wall, Changan...), qui représentent environ 45% du marché.

«Le marché s'est un peu refermé, s'est complexifié. Aujourd'hui les Chinois tendent à favoriser les constructeurs locaux, les marques nationales», confirme Sébastien Amichi, analyste pour Roland Berger.

D'un côté, «on a les marques haut-de-gamme (étrangères) qui restent présentes et implantées», séduisant les Chinois fortunés à l'instar des allemands Mercedes, Audi ou BMW, et de l'autre, «on a une montée des marques chinoises qui viennent du low-cost mais qui élargissent leur audience», décrypte-t-il.

Entre les deux, les constructeurs étrangers de moyenne gamme, tels PSA ou Ford, voient leur espace se réduire.

L'industrie automobile est un employeur important en Chine, alors que les constructeurs locaux diversifient leur offre et grugent des parts de marché aux étrangers. Photo: AFP

Guerre des prix ?

Une «guerre des prix majeure se dessine déjà sur le marché», relève le cabinet IHS.

En outre, «face à une offre devenue pléthorique, des consommateurs font preuve de discernement, ils ont des nvies, des goûts plus prononcés», ce qui assure le succès des marques haut-de-gamme clairement identifiée mais également des «SUV» (4x4 urbains), observe François Jaumain, du cabinet PwC Autofacts.

Or, c'est précisément sur ce créneau disputé des 4x4 urbains (SUV), très appréciés en Chine, que se distinguent les constructeurs locaux.

Du coup, les Occidentaux adaptent leur offre. Plusieurs constructeurs ont réservé au salon de Shanghai des premières mondiales de modèles destinés à séduire les Chinois. Citroën dévoilera son 4x4 urbain C5 Aircross, tandis que Volkswagen exposera son petit crossover T-Roc.

Sur le créneau du «premium», Mercedes présentera une refonte de sa berline porte-drapeau, la Classe S.