Ébranlée par des scandales, soumise à des normes de plus en plus strictes et contrainte de s'adapter aux défis technologiques, une industrie automobile en plein bouleversement se retrouve mardi au salon de Francfort (Allemagne).

Deux ans après le début du scandale des moteurs truqués, Volkswagen et les autres constructeurs allemands se sont lancés dans une surenchère d'annonces sur le développement de leurs gammes électriques, sujet qui devrait continuer à alimenter les conversations entre journalistes et professionnels lors des premières journées de la manifestation (IAA), ouverte samedi au public.

Le moteur thermique va mourir (mais de mort lente)

D'autant que la Chine, où s'écoule une automobile neuve sur quatre dans le monde, vient d'annoncer qu'elle envisage d'interdire à terme les voitures à combustion sur son territoire. Paris et Londres ont déjà fixé à 2040 l'arrêt de mort du moteur thermique.

En apparence, l'IAA, organisé tous les deux ans en alternance avec le Mondial de Paris, reste la vitrine d'une industrie automobile européenne rentable. Celle-ci surfe sur une croissance continue des ventes depuis cinq ans, qui devrait se poursuivre cette année.

Sur 200 000 m2, l'équivalent de 27 terrains de football, près de 1000 exposants --une cinquantaine de constructeurs, mais aussi des équipementiers et des géants d'internet-- se retrouveront jusqu'au 24 septembre dans l'immense parc des expositions de la capitale financière allemande, faisant fi de l'absence remarquée de quelques grands noms du secteur (Peugeot, Nissan, Fiat-Chrysler, Volvo...).

En attendant la mort du moteur à essence, Audi a présenté la nouvelle A8 mue par un V8 diesel de 429 ch ou un V6 TDI de 282 ch. Photo : AP

Le salon des tricheurs diesel

Pas moins de 228 nouveautés sont prévues par les organisateurs, parmi lesquelles une majorité de 4x4 urbains, segment inexistant il y a 15 ans et qui tutoie désormais 30% des nouvelles ventes sur le continent.

Mais au-delà des carrosseries étincelantes, des écrans multimédia et des discours optimistes de rigueur, de multiples voyants d'alerte commencent à clignoter pour un secteur qui se vante de représenter 12,6 millions d'emplois en Europe.

Le choc du «dieselgate», bien sûr, n'en finit pas de frapper les grands constructeurs européens, Peugeot-Citroën (PSA), Renault et Fiat risquant comme VW des poursuites et de lourdes amendes, en particulier en France, soupçonnés d'avoir triché sur les émissions nocives de leurs véhicules.

La pollution engendrée par les véhicules diesel a aussi plongé la chancelière Angela Merkel, en pleine campagne de réélection, dans une position délicate. En Allemagne, quelque 800 000 emplois dépendent de l'industrie automobile, l'un des piliers des exportations du pays.

Soucieux de donner des gages de «propreté», sur fond de réglementations européennes resserrées depuis septembre et de menaces d'interdiction de circulation pour les voitures diesel dans certaines villes, les constructeurs allemands multiplient les annonces sur l'électrique.

Le défi est de taille pour eux. «Les constructeurs allemands, très forts sur le diesel, doivent particulièrement s'adapter», souligne Stefan Bratzel, de l'institut de recherche CAM.

Le PDG du Groupe Volkswagen Matthias Müeller souriait ce matin, mais Volks est exposée à de grosses amendes pour sa tricherie diesel. Renault, Fiat-Chrysler et Peugeot-Citroën sont également dans la mire des enquêteurs européens. Photo: Reuters

La Chine en embuscade

Dernier en date lundi, le groupe Volkswagen, propriétaire de douze marques (Audi, Porsche, Seat, Skoda, etc) et numéro un mondial des ventes, a promis d'électrifier toute sa gamme d'ici à 2030, offrant ainsi à ses plus de 300 modèles une variante électrique ou hybride dont jouissent aujourd'hui une douzaine de modèles.

Ce coup d'accélérateur sur l'électrique s'accompagnera d'un doublement des investissements jusqu'ici prévus pour cette technologie, qui se monteront à 20 milliards d'euros.

Daimler veut de son côté offrir des versions électriques ou hybrides de tous les modèles Mercedes-Benz d'ici 2022 et faire de sa citadine Smart une marque entièrement électrique. Dès jeudi, son rival BMW avait promis 25 modèles électrifiés avant 2025.

Ces annonces s'inscrivent dans un contexte de tourmente durable pour le diesel mais aussi, parallèlement, d'ambition croissante des constructeurs chinois sur le créneau des voitures «propres».

Stimulés par la priorité affichée par Pékin au développement de la voiture électrique, plusieurs d'entre eux seront présents à Francfort, après avoir racheté plusieurs équipementiers et manifesté leur appétit pour l'italo-américain Fiat-Chrysler.

Ces manoeuvres ont presque relégué au second plan la plus grosse acquisition de l'année, la prise de contrôle d'Opel-Vauxhall par le français PSA.

Le constructeur chinois Wey a présenté cette voiture de luxe. Photo: AP