La voiture autonome de Google pourrait vivre son premier test de réalité cette année, alors qu'un parc de robots-taxis serait exploité dans deux villes américaines. Où en est cette technologie de science-fiction?

Ça fonctionne vraiment, la voiture autonome?

Oui, sans aucun doute. Depuis 2012, une dizaine d'entreprises, dont la plus visible est Google, ont fait parcourir aux États-Unis plus de 2 millions de kilomètres à 50 véhicules autonomes. Ils ont été impliqués dans 11 collisions, toujours causées par une erreur humaine. Dans 73% des cas, les voitures autonomes ont en fait été embouties par l'arrière. «Technologiquement, on sait maintenant que c'est faisable», explique Jesse Caron, expert en autos à CAA-Québec. Selon Bloomberg, Google envisagerait dans un premier temps de mettre sur la route en 2016 deux parcs de voitures autonomes, vraisemblablement dans les villes d'Austin et de San Francisco, où les tests ont été menés. Celles-ci pourraient être appelées comme de simples taxis. Google n'a pas confirmé ce projet.

Quels sont les problèmes que les tests ont révélés depuis trois ans?

D'abord, ces voitures sont prudentes, probablement trop, ce qui déstabilise les autres conducteurs. Google a d'ailleurs annoncé l'automne dernier avoir injecté un peu de délinquance dans ses voitures, en leur faisant effectuer des virages plus larges, par exemple. Un problème qui touche particulièrement le Canada: la neige représente tout un défi pour les caméras et capteurs de ces voitures. En fait, elles ne sont tout simplement pas prêtes à affronter nos hivers, qui devront «faire l'objet de plus de recherches», a précisé l'an dernier un responsable de Google. Même problème avec les nids-de-poule, totalement imprévisibles pour leurs cartes et leurs détecteurs. Évidemment, ces voitures ne savent pas lire le comportement humain, ne reconnaissent pas les signes que s'échangent sans cesse les conducteurs, un autre vaste champ de recherches. L'implantation de voitures autonomes à grande échelle, «on n'en est pas là, estime M. Caron. Il faut que tous les véhicules communiquent entre eux, qu'ils parlent à la route, qu'ils sachent qu'ils sont par exemple dans une zone scolaire».

Dans le meilleur des cas, on estime que la commercialisation des voitures autonomes sera possible vers 2020.

Cinq ans, c'est long. Pas moyen d'avoir un aperçu de cette technologie avant ça?

En fait, oui. Certaines voitures haut de gamme utilisent déjà des systèmes qui les rendent en partie autonomes. L'aide au stationnement et les caméras arrière sont les exemples les plus connus. Hyundai et Volvo, notamment, ont conçu un système de guidage qui permet à la voiture de rester dans sa voie sur l'autoroute. George Iny, président de l'Association pour la protection des automobilistes, a testé une de ces voitures, une Genesis de Hyundai. «Entre Montréal et Ottawa, je n'avais pas le pied sur la pédale, et je ne l'ai presque pas guidée. J'ai été étonné de voir à quel point c'est efficace. C'est de l'autonomie, dans des situations transitoires et bien définies.» De toutes ces innovations, lui et Jesse Caron aiment particulièrement le freinage intelligent: la voiture détecte un obstacle, et si l'automobiliste ne semble pas réagir, active elle-même les freins. «Comme les systèmes antiblocage, le freinage intelligent va quitter les voitures haut de gamme et devenir disponible pour monsieur et madame Tout-le-Monde», croit M. Caron.

La grande question: avons-nous vraiment besoin de ça?

On estime que l'utilisation massive de voitures autonomes permettrait d'éviter 90% des morts sur les routes. Au Québec seulement, ce serait environ 300 morts de moins par année. Dans le monde, selon l'OMS, ce serait 1 million de vies épargnées par année. Mais l'adoption de la voiture autonome est révélatrice d'une autre réalité: nos voitures contiennent de plus en plus de dispositifs qui nous distraient. «Normalement, on n'a pas besoin d'un système pour rester dans notre voie si on a les yeux sur la route», rappelle M. Caron. Autre réalité: conduire n'est plus perçu comme un plaisir en 2015. «Pour la plupart des gens, se rendre quelque part, c'est du temps perdu, dit George Iny. La notion d'avoir du plaisir au volant est chose du passé, les gens sont plus attachés à leur téléphone qu'à leur voiture. Et avoir un modèle autonome, c'est comme avoir un chauffeur sans qu'on ait à payer un humain.»