La Presse s'est entretenue avec George Hotz, hacker américain de 27 ans dont l'entreprise Comma.ai a conçu le logiciel qui permet aux propriétaires de certaines voitures de les modifier pour qu'elles se conduisent elles-mêmes.

Combien de gens utilisent votre système actuellement ?

Plus de 50 utilisent le pilote automatique Neo. Plus de 1000 personnes utilisent chffr [l'application qui recueille les données de conduite de tous les utilisateurs qui la téléchargent, pas seulement les conducteurs de voitures autonomes].

Vous semblez être en compétition avec Elon Musk de Tesla. Comment décririez-vous cette dynamique ?

Un jour, ce sera comme Jobs et Gates. Un jour... Il fait le Mac et nous faisons Windows. Il fait iOS et nous faisons Android. Ce paradigme a été vu une tonne de fois dans l'Histoire.

Où en êtes-vous quant au financement ?

Nous avons recueilli 3,1 millions de dollars il y a un peu plus d'un an lors d'une ronde de financement initiale. Nous avons de beaux bureaux à San Francisco et un petit nombre d'employés pour soutenir le travail des ingénieurs. Je veux gagner la partie des véhicules autonomes et je crois que la façon de le faire est de faire preuve de supériorité technique sur tous les fronts.

Sur le plan réglementaire, vous semblez adopter une approche plus Uber que Tesla...

Je ne dirais pas que Tesla envoie tout aux législateurs à l'avance pour approbation ! Mais oui, de toute évidence, nous adoptons une approche plus Tesla que GM, ou plus Uber que Ford...

Vous vous basez plutôt sur un modèle de rupture ?

Oui. Parce que la conduite est très dangereuse.

Et vous ne devriez pas comparer la conduite autonome à une conduite parfaite où il n'y a jamais d'accident. Vous devez la comparer à ce qui existe aujourd'hui : 30 000 ou 40 000 personnes qui meurent chaque année aux États-Unis seulement. [...] En grande partie, ces morts peuvent être évitées.

La plupart des accidents surviennent parce que les conducteurs sont ivres, distraits ou endormis. Facile à éviter.

Un module de conduite autonome Comma.ai en action sur l'autoroute 15, lors d'un essai de La Presse.

Quand prévoyez-vous offrir un produit qui soit plus sécuritaire qu'un humain ?

Il y a deux étapes. Il y a un produit qui rend la conduite plus sécuritaire en collaboration avec un humain et il y a un autre produit qui rend la conduite plus sécuritaire même sans humain dans l'auto. Vous pourriez dire qu'aujourd'hui, notre produit, lorsqu'il est utilisé correctement en coopération avec un humain, est déjà plus sécuritaire qu'un humain sans aucun système. [...] Nous avons plus de 50 personnes qui conduisent avec cela et nous n'avons jamais eu d'accident. Les chiffres sont trop petits pour parler d'une réelle signification statistique, mais... je me sens en sécurité quand je conduis avec le système.

Comment voyez-vous le produit évoluer et être déployé aux États-Unis et ailleurs dans le monde d'un point de vue réglementaire ?

Nous voulons rendre la technologie disponible. Nous voulons être une plateforme. Et ce que nous espérons qui arrivera, ce que nous voyons déjà ici aux États-Unis, ce sont des entreprises qui apparaissent, qui assemblent nos produits, les font approuver par des régulateurs et les vendent.

Avez-vous une idée de la taille du marché ?

Quand ces choses-là commencent à démontrer qu'elles rendent votre voiture plus sécuritaire, qui ne voudrait pas les utiliser ? Surtout si c'est abordable... Si vous pouvez vous procurer l'un de ces produits-là pour 500, 1000 $, et que ça réduit vos chances d'avoir un accident de 50 % - qui ne l'achèterait pas ?

Le produit est encore difficile à installer, ce qui est un obstacle à son adoption... Comment voyez-vous cela évoluer ?

C'est très sophistiqué, mais l'un de nos objectifs pour 2017 est de le rendre plus accessible. Éventuellement, et on parle peut-être du milieu de l'an prochain, on pourrait alors commencer à travailler avec des concessionnaires de véhicules. Comment cibler les mères de famille ? Elles n'iront pas sur Craigslist pour trouver quelqu'un qui l'installerait sur leur auto. Mais elles vont acheter une option chez le concessionnaire.

Et la cybersécurité ? Quels sont les risques et les protections ?

Je dirais que nous faisons un meilleur travail en matière de cybersécurité que Jeep ! [Chrysler a dû rappeler 1,4 million de véhicules en raison d'une faille de sécurité informatique]. Il faut adopter les meilleures pratiques, ne rien faire de stupide... On verra comment ça se développe.

Note de la rédaction : Les propos de cette entrevue ont été abrégés aux fins de publication.