Cinq ans. C'est le temps qu'il reste avant la mise en marché de la première voiture entièrement autonome en provenance du Japon. C'est tôt, mais en même temps, c'est tard : ses rivaux américains et européens visent 2021. Qui y arrivera en premier ?

Pour les constructeurs japonais, la voiture autonome est une technologie assez nouvelle pour que, contrairement à une certaine tradition dans l'industrie, ils soient sur le mode rattrapage. Ford, General Motors, Mercedes-Benz et BMW sont engagés dans une course contre la montre depuis des années. Toyota, Honda et Nissan commencent à réaliser l'impact qu'aura la conduite assistée sur l'automobile dans un avenir proche.

Nissan, pour un, est donc passé à la vitesse supérieure. Plus tôt cette année, le constructeur japonais a annoncé la création d'une unité de 300 experts dont l'objectif est de développer, entre autres, tous les éléments électroniques nécessaires pour donner vie à la voiture entièrement connectée et autonome. De l'application mobile permettant d'en commander certaines fonctions à distance à la possibilité de laisser la voiture traverser une intersection particulièrement achalandée par elle-même et en toute sécurité, tout y est actuellement à l'étude.

« Nous avons un plan et tout est calculé pour nous mener à la voiture entièrement autonome dans cinq ans, explique Takashi Sunda, directeur général adjoint du Centre de technologie avancée de Nissan, à Atsugi, un petit village isolé à une heure de Tokyo. Le but est de créer une voiture à la fois pratique et sécuritaire, à la sauce Nissan. »

Incarnée par le concept iMx dévoilé au salon de Tokyo la semaine dernière, cette sauce comprend de nombreux ingrédients : radars, lasers, sonars, intelligence artificielle, réalité augmentée, interface vocale et tactile, ainsi de suite. En 2019, la voiture autonome de Nissan changera de voie toute seule sur l'autoroute. En 2020, elle passera les intersections. En 2022, elle pourra tout faire.

Ambitieux ? Que oui : « Nous sommes les leaders de la voiture électrique. Nous voulons être les leaders de la voiture autonome également », conclut l'ingénieur.

MAZDA « N'Y CROIT PAS »

Une ambition qui n'est pas partagée par tous, au Japon. Mazda prône une prudence qui frise l'abandon. Malgré le mouvement généralisé de l'industrie vers l'électrification et la conduite autonome, son objectif reste de développer un moteur thermique moins énergivore et des véhicules axés sur un comportement routier relevé.

« La voiture autonome, on n'y croit pas. On pense que les décisions seront mieux prises par le conducteur », résume une porte-parole de Mazda Canada présente au salon de Tokyo afin de dévoiler une étude de style, appelée Kai Concept, illustrant les formes que pourrait avoir la prochaine version de la Mazda3. Ce prototype incarne aussi la technologie Skyactiv-X, qui comprend une cylindrée à allumage par compression, une technique empruntée aux moteurs diesels permettant de réduire de 20 % sa consommation de carburant.

Tout indique qu'il faudra attendre jusqu'en 2019 avant de voir Mazda présenter sa propre forme de conduite assistée. Un partenariat récemment annoncé avec son compatriote Toyota vise à combler ses carences à ce chapitre, ainsi que du côté de la motorisation électrique. Mazda souhaite créer un « copilote virtuel » qui prendrait le relais du conducteur seulement dans l'éventualité où ce dernier perdrait la maîtrise de sa voiture. Comme on le voit dans certains jeux vidéo, ce copilote imaginerait le tracé idéal pour se rendre à destination et, advenant le cas où la voiture dévierait trop de ce circuit, aiderait le conducteur à retrouver le droit chemin.

Aperçu de l'allure que pourrait prendre la prochaine version de la Mazda3. Photo: Mazda

CHEZ TOYOTA, DEUX VOLANTS VALENT MIEUX QU'UN

Voyant la longueur d'avance des Américains dans le développement de la voiture autonome, Toyota et Honda ont décidé de les rejoindre. Honda a signé une collaboration avec Waymo, la filiale de Google, tandis que Toyota mise tout sur son centre de R-D de la Silicon Valley.

Ironiquement, pour arriver à mettre en marché une voiture qui n'aura pas besoin d'un volant pour se déplacer, Toyota a mis sur la route, plus tôt à l'été, un prototype créé à partir d'une berline Lexus LS600hL doté de... deux volants. Cette formule permet à Toyota d'étudier deux variations sur le même thème de la conduite assistée. Un mode appelé Chauffeur peut naviguer sur la voie publique et contourner les obstacles sans intervention humaine. Un second mode appelé Gardien prend les commandes seulement si le conducteur ne manifeste aucune réaction face à un risque potentiel d'accident.

Ce deuxième mode devrait être intégré aux nouveaux véhicules Toyota plus rapidement que le premier, explique le responsable de son développement, Gill Pratt. « Nous avons développé un véhicule intelligent qui deviendra de plus en plus intelligent, dit-il. Il apprendra beaucoup des habitudes des conducteurs, ainsi que des autres voitures autonomes, à mesure que les voitures sur la route deviendront plus connectées. »

Ce véhicule devra apprendre rapidement, aussi. Toyota n'avance pas de date de commercialisation ferme, mais à la vitesse où les autres constructeurs développent leur propre assistance à la conduite, le temps presse.

Note de la rédaction : les frais de ce voyage ont été payés par Nissan Canada.

Ironiquement, Toyota a mis sur la route, plus tôt à l'été, un prototype créé à partir d'une berline Lexus LS600hL doté de deux volants. Photo: Toyota