L'échéance serrée que s'impose l'industrie automobile dans la mise en marché de véhicules entièrement autonomes est-elle réaliste ? Oui, à condition que les autorités agissent rapidement afin de permettre à ces véhicules de prendre la route le plus tôt possible, prévient l'industrie.

Selon certains experts, l'autoroute est l'endroit approprié où tester les premiers véhicules autonomes, qui seront mis en marché aussi tôt que l'an prochain. En ajoutant au régulateur de vitesse les données tirées des capteurs, caméras, lidars et radars, ces véhicules se chargeront de conduire sur de longs tronçons d'autoroute, même l'hiver. À condition de s'assurer que c'est pleinement sécuritaire...

« La technologie est prête. Les constructeurs sont prêts. Ce sont les lois et le gouvernement qui nous freinent », explique Shawn Stephens, directeur de la planification et de la stratégie chez BMW Canada. Le fait que le conducteur doit toucher au volant au moins une fois par minute limite manifestement l'autonomie de ces systèmes.

LA BALLE DANS LE CAMP GOUVERNEMENTAL

Au Canada, en ce moment, seul l'Ontario permet à certaines voitures autonomes de circuler sur ses routes. Depuis novembre, Audi teste notamment ses véhicules autonomes dans les rues d'Ottawa. Transport Canada fait aussi des essais au centre d'essais de PMG Technologies, à Blainville. Des navettes autonomes circulent aussi sur circuit fermé à Terrebonne.

Une des raisons évoquées pour limiter leur circulation sur la voie publique est la réaction incertaine de ces systèmes autonomes et des automobilistes. Pour contourner ce problème, le porte-parole de BMW propose la mise en place de voies réservées aux véhicules autonomes. « Comme on le fait pour les véhicules électriques ou le covoiturage », précise-t-il.

 

Une suggestion balayée du revers de la main par le directeur du Laboratoire sur l'intelligence véhiculaire de l'Université de Sherbrooke, Denis Gingras. « Ce serait bien trop coûteux, surtout qu'il n'y aura à peu près pas de tels véhicules sur les routes avant quelques années », dit-il. En revanche, il comprend l'impatience de l'industrie face aux gouvernements.

«Il est plus que temps de modifier les lois pour au moins permettre les projets-pilotes, à Ottawa comme à Québec. L'Ontario a une affinité naturelle avec l'industrie automobile, mais c'est tout le secteur technologique québécois qui aurait à gagner de pouvoir accéder à cette technologie», souligne M. Gingras.

En fait, selon le professeur, l'obsession de Québec à l'égard de l'électrification des transports, qui risque de s'échelonner sur des dizaines d'années, pourrait lui faire rater une occasion à plus court terme du côté de la mobilité intelligente. « Au moins, on a créé une grappe industrielle qui doit se pencher sur la question, nuance-t-il. Peut-être que ça fera bouger les choses et qu'on fera plus que d'importer des technologies étrangères pour les essayer sur nos routes. »

Six ans de retard

Justement, BMW Canada a présenté à Montréal il y a une dizaine de jours une nouvelle technologie, appelée Remote Control Parking, qui permet de sortir de son véhicule avant que celui-ci ne se gare automatiquement dans une place de stationnement située devant ou derrière lui.

Ça peut sembler banal, mais cette nouvelle habileté technologique est la pointe de l'iceberg autonome, dans l'industrie.

General Motors, Ford, Uber et Google sont d'autres grands noms qui ont 2019, 2020 et 2021 dans leur ligne de mire. Dans leur cas, les premiers véhicules autonomes seront à vocation plus urbaine, potentiellement offerts selon une formule de partage entre plusieurs utilisateurs. Là encore, le gouvernement devra d'abord le permettre, sinon, ces véhicules seront limités aux campus et aux circuits privés, prévient le Centre d'excellence canadien sur les véhicules autonomes, dans une étude à ce propos parue l'an dernier.

«Les véhicules autonomes seront fréquents sur des chemins privés, pour le transport de gens ou de matériaux, dans des secteurs comme les mines ou la construction», prévoit l'organisme ottavien.

Un autre phénomène sur lequel les autorités devront se pencher bientôt, ajoute Denis Gingras.

«On voit déjà ces navettes sans conducteur circuler dans les rues de Lyon et d'autres villes aux États-Unis», illustre-t-il. 

Le Canada a six ans de retard à rattraper s'il veut voir de tels projets sur son territoire, selon lui. Ce qui demandera des efforts colossaux pour être prêt à voir de tels véhicules sur les routes aussi tôt qu'en 2021...