Malgré les craintes ravivées par l'accident mortel qui a impliqué une voiture autonome d'Uber mi-mars, la course effrénée - et coûteuse - au véhicule sans conducteur continue de plus belle.

Le groupe américain a suspendu tous ses tests de voiture autonome sur route le 19 mars, au lendemain d'un accident qui a coûté la vie à une piétonne dans les environs de Phoenix, en Arizona, où plusieurs autres entreprises (Waymo, General Motors etc.) testent aussi des véhicules sans conducteur.

Lundi, les autorités de l'Arizona ont interdit à Uber de faire rouler de tels véhicules sur ses routes, invoquant la «sécurité publique».

L'Arizona, l'État le plus permissif

L'Arizona, qui autorise les tests de voitures autonomes depuis des années, dispose de la législation la plus souple en la matière : il est même possible d'y faire rouler des voitures sans aucun humain derrière le volant, pas même un opérateur de sécurité. C'est ce que fait déjà Waymo, la filiale conduite autonome d'Alphabet/Google, depuis quelques mois.

De nombreuses entreprises --groupes technologiques, constructeurs et équipementiers automobiles-- seules ou via des alliances, travaillent sur la conduite autonome, vue comme l'avenir des transports.

Elles se livrent une bataille acharnée, à coups de milliards de dollars, dans la course à qui mettra la première voiture complètement autonome sur les routes; une promesse généralement faite pour 2019 ou 2020.

Waymo, qui promet même l'ouverture d'un service de taxis autonomes cette année, a annoncé mardi un partenariat avec le constructeur britannique Jaguar Land Rover, preuve que la course continue malgré les craintes exprimées.

Des doutes et des appréhensions

Mais l'association de consommateurs Consumer Watchdog juge que «les voitures sans chauffeur ne sont pas prêtes pour les routes». Le sénateur démocrate Richard Blumenthal affirme lui que «la conduite autonome a encore du chemin à faire avant d'être complètement sûre».

Waymo, considérée comme l'une des plus avancées dans cette technologie, a d'ailleurs pris soin de donner des gages: «C'est en partie notre responsabilité de nous assurer que (...) les villes dans lesquelles nous sommes présents et que les régulateurs qui gèrent ces villes comprennent notre technologie», a dit mardi sur la chaîne CNBC son PDG John Krafcik.

Samedi, ce dernier avait même assuré que sa technologie aurait évité le crash qui a impliqué un véhicule d'Uber, en raison notamment du fait que Waymo a accumulé depuis 2009 plus de 8 millions de kilomètres sur des routes fréquentées par des piétons sans être impliqués dans un accident mortel.

Uber lui, subit de plein fouet les conséquences de l'accident. Il a indiqué mardi ne pas avoir demandé le renouvellement de l'autorisation pour tester ses véhicules autonomes sur les routes californiennes.

Nvidia punie en Bourse

Le fabricant de microprocesseurs Nvidia, dont certains composants étaient utilisés sur le véhicule Uber impliqué dans l'accident, a quant à lui décidé mardi la suspension de ses tests sur véhicule autonome sur route dans l'attente des résultats de l'enquête. Il l'a payé cher à Wall Street où son action a chuté de 7,76% (Uber n'est pas coté en Bourse).

Si le japonais Toyota a aussi décidé de suspendre ses tests de conduite autonome, l'allemand BMW a pour sa part annoncé maintenir ses projets.

L'accident mortel ne devrait cependant pas fondamentalement remettre en cause la conduite autonome en général, estime Adie Tomer, du groupe indépendant de recherche The Brookings Institution.

«Il va certainement y avoir des appels à stopper tous les tests de véhicules autonomes, pas seulement le programme d'Uber. La colère pourrait ralentir le rythme d'autorisation de tests dans d'autres villes et Etats», écrit-il.

«Beaucoup d'avantages»

«Mais les progrès technologiques sont difficiles à arrêter», poursuit ce spécialiste de l'espace urbain. «Les véhicules autonomes offrent beaucoup d'avantages, comme une plus grande sécurité sur de longs trajets ou le fait de pouvoir voyager les mains libres», ajoute-t-il, relevant aussi l'enjeu économique: «Il y a trop d'investissements privés déjà engagés pour que l'on puisse s'en passer».

La chambre des Représentants américaine a approuvé en septembre un texte censé faciliter le déploiement des véhicules autonomes, en empêchant les États d'imposer des réglementations trop restrictives.

Mais, mardi, une enquête a été ouverte par les autorités fédérales pour faire la lumière sur un accident mortel survenu la semaine dernière en Californie et impliquant une voiture électrique Tesla, équipée du système d'Autopilot, logiciel qui permet un certain nombre de manoeuvres sans l'intervention du conducteur.