Les voitures volantes, comme on en voit dans les films science-fiction tels que Blade Runner et Le Cinquième élément, ont longtemps été considérées comme des idées folles, mais leur arrivée serait plus proche qu'on le pense.

Au moins une dizaine d'entreprises élaborent et mettent au point des prototypes ou procèdent à des essais de voitures volantes ou de drones avec passagers, selon un rapport publié par la firme Deloitte en janvier.

Selon une étude de Porsche Consulting, on prédit que 15 000 taxis aériens seront en service d'ici 2035 et représenteront un marché mondial d'une valeur de 32 milliards. À cela devrait venir s'ajouter, prévoit-on, des services de livraison et d'inspection aériennes représentant 42 milliards de dollars supplémentaires.

Les appareils à décollage et atterrissage verticaux (ADAV) permettent de transporter des personnes et des marchandises dans des zones urbaines et des banlieues où la circulation routière est dense en une fraction du temps nécessaire à un usager de la route. Ce nouveau moyen de transport entraînerait aussi une diminution du nombre d'automobiles.

Cependant, des obstacles technologiques et réglementaires subsistent. De plus, il n'est pas évident de prédire si les voitures volantes vont réellement changer les habitudes de déplacement et réduire les émissions de gaz à effet de serre ou encore si elles peuvent surmonter les défis de sécurité et de perception du public.

La plupart des ADAV fonctionnent à l'électricité. Ils ressemblent à des drones surdimensionnés, auréolés de petites hélices autour d'une nacelle de passager, qui décollent et se posent comme des hélicoptères. Mais ils seront moins bruyants, moins chers et moins polluants que leurs cousins les hélicoptères, prédisent les experts.

« Au lieu de ce son profond, guttural, qui pénètre à travers les murs, on obtient un son beaucoup plus tolérable, semblable à celui d'un ventilateur », explique Nikhil Goel, directeur des produits d'aviation chez Uber Elevate, affiliée à Uber Technology.

Uber espère pouvoir commencer à transporter des passagers dans des ADAV hybrides à cinq places au-dessus de Los Angeles, de Dallas-Fort Worth et d'une troisième ville hors des États-Unis d'ici 2023.

« Les véhicules sont réels. Ils arrivent. Je pense que ce sera plus rapide que ce que tout le monde croit possible », avance M. Goel.

Il voit une première vague de taxis aériens fournir un service de navette entre les principaux aéroports et des héliports dans les centres-villes qui seraient intégrés au système de transport en commun, plutôt que de sauter d'un immeuble à l'autre. Un moyen de déplacement d'un pôle à un autre un peu comme un monorail.

« Nous ne construisons pas ce produit pour les plus riches », assure Nikhil Goel.

Quelques années après le lancement du service Uber Air, comme on le surnomme, le coût d'un déplacement aérien serait le même que celui d'un transport sur la route, affirme-t-il.

Selon le directeur des produits d'aviation d'Uber, un taxi aérien réduirait à 15 minutes la distance de 90 km entre les centres-villes de San Francisco et San Jose par rapport au trajet en voiture d'une heure et 40 minutes.

Uber n'est pas le seul à s'intéresser aux ADAV. Le fabricant de drones chinois Ehang a effectué des tests en vol avec un drone transportant un passager plus tôt cette année, selon le site internet de l'entreprise. La jeune pousse allemande Volocopter a mis au point un prototype de taxi aérien qui a volé au-dessus de Dubaï en 2017. Enfin, Kitty Hawk, une société californienne créée par le fondateur de Google, Larry Page, a développé un élégant prototype d'ADAV à une place cette année.

Bell (anciennement Bell Helicopter) est l'une des cinq entreprises avec lesquelles Uber s'est associé. Les autres sont Karem, Pipistrel et des rivales de l'industrie aérospatiale Embraer et Aurora Flight Sciences, cette dernière affiliée à Boeing.

Scott Drennan, vice-président de l'innovation chez Bell, cible plutôt 2025 comme objectif réaliste de lancement commercial.

La durée d'autonomie des batteries représente le principal défi à relever, alors que la technologie actuelle à ion de lithium permet à un engin à hélices à propulsion électrique de parcourir entre 50 et 100 kilomètres, décrit M. Drennan.

La réglementation représente un autre obstacle. Pour éviter d'encombrer le ciel des villes, les ADAV pourraient devoir suivre les corridors aériens existants empruntés par les avions, mais à une altitude inférieure et à une vitesse oscillant entre 150 et 330 km/h.

La plupart des régulateurs occidentaux de l'aviation interdisent l'utilisation de drones sans autorisation préalable. Des discussions sont en cours avec les autorités fédérales américaines de l'aviation et l'Agence européenne de la sécurité aérienne, révèle Scott Drennan, qui dit avoir également rencontré Transports Canada à trois reprises.

Mark Cousin, directeur général de l'unité A3 d'Airbus, s'inquiète des problèmes de gestion du trafic aérien qui pointe à l'horizon.

« Le véhicule, c'est la partie facile, observe-t-il. Le véritable défi consiste à intégrer des milliers de ces véhicules dans un système de mobilité aérienne urbaine ».

A3 a dévoilé un ADAV à propulsion électrique appelé Vahana. Le prototype autonome a effectué son premier vol vertical en février.

Selon l'étude de Porsche, les drones battraient tout autre mode de transport, tels que les taxis, sur une distance de 20 kilomètres ou plus dans les zones de circulation dense.

Le rapport reconnaît toutefois le potentiel limité de la technologie, soutenant qu'elle ne pourrait soulager qu'une partie de la pression dans les endroits les plus congestionnés des villes.

Si l'on essayait de résoudre tous les problèmes de circulation au sol en se déplaçant dans les airs, on en viendrait à créer de nouveaux embouteillages dans les divers lieux de décollage et d'atterrissage, note le document.

D'après l'étude, une ville de plus de cinq millions d'habitants ne compterait probablement pas plus de 1000 drones de passagers d'ici 2035. Cela réduirait relativement peu le trafic terrestre.

Uber a cité Los Angeles comme une ville de lancement attrayante en partie à cause de l'abondance de toits plats qu'on y trouve. Une réglementation de longue date en matière de sécurité incendie exigeait des aires d'atterrissage pour hélicoptères au sommet des gratte-ciel.

« Mais ils ne sont pas vraiment adaptés, car il ne s'agit pas seulement d'un point de départ et d'arrivée », analyse Robin Lineberger, responsable de l'aérospatiale et de la défense chez Deloitte.

« Il faut que ce soit un endroit où les gens viennent, se préparent à monter dans un appareil. Le véhicule doit atterrir, se recharger, faire le plein, peut-être subir un entretien léger et une inspection. Quand on y pense, il faut vraiment un petit aéroport multifonctionnel », précise-t-il.

Les grands stationnements du centre-ville sont mûrs pour être convertis en héliports, avec des tapis roulants, des stations de chargement et des hangars, estime-t-il.

Les assurances fonctionneraient de la même manière que celles d'un fabricant d'hélicoptères ou d'un service de transport avec des primes qui dépendent des statistiques et de la gravité des accidents.

Cependant, la perception du public demeure un problème à court terme. Moins de la moitié des 10 000 personnes interrogées à travers le monde dans le cadre d'un sondage mené par Deloitte ont dit être convaincues que les voitures volantes seraient sûres. Un tiers des répondants étaient indécis et un sur cinq ne le croyait pas.

Photo ROBYN BECK, AFP

Bell (anciennement Bell Helicopter) est l'une des cinq entreprises avec lesquelles Uber s'est associé.