Alors qu'on amorce une nouvelle année, on se prend à se demander à quoi ressemblera l'automobile de l'avenir, non pas en 2019, mais en 2040. Entre Uber et Alimentation Couche-Tard, disons que la ligne est plus mince qu'on le pense... Suivez-nous pour découvrir pourquoi!

Le design comme reflet d'une époque

Avec un peu de recul, on voit dans l'évolution du design automobile des quelque 100 dernières années un résumé efficace de ce qui était perçu comme le summum technologique du moment, et son évolution, d'une époque à l'autre: des carrosseries de voiture s'apparentant à des navires, puis à des avions de chasse et ensuite à des navettes spatiales, on en trouve jusque dans les livres d'histoire...

De quoi auront l'air les automobiles dans un peu plus d'un quart de siècle? Déjà, on trouve dans l'air du temps des indices permettant de répondre à cette question bien plus complexe qu'on peut l'imaginer au premier coup d'oeil.

La voiture de demain observée à travers la lorgnette des véhicules-concepts et des études de style actuels n'est que la pointe de l'iceberg de tout un mouvement d'automatisation, de robotisation et de transformation des grandes villes partout dans le monde. En d'autres mots, l'automobile en 2040 pourrait être le reflet de ce mouvement vers une urbanisation massive, connectée et hautement informatisée. C'est le prolongement logique du concept de ville intelligente, explique Pascal Boissé, professeur de design industriel au Collège Dawson et spécialiste du design automobile.

«On ne peut pas parler de la voiture de demain sans parler de la ville intelligente, du mouvement des objets connectés et de l'émergence des drones, lance-t-il d'entrée de jeu. En fait, l'automobile sera l'extension du domicile des gens, si elle ne devient pas carrément leur domicile principal!»

La mobilité à tout faire

Ces derniers mois, plusieurs grandes marques d'automobiles ont proposé leur propre interprétation de cette idée d'extension du domicile, à travers des concepts d'habitacles modulaires, d'assistants numériques personnels embarqués et d'autres technologies inspirées du monde de la mobilité informatique. À cela s'ajoute la conduite autonome, qui laissera les occupants libres de faire autre chose, une fois à bord, que de se concentrer sur la route.

«On peut imaginer que déjà, dans cinq à huit ans, on aura une machine à café à bord de sa voiture. On pourra y travailler, ou se divertir, pendant les quelques heures qu'il faudra pour se rendre à destination, en empruntant des autoroutes toujours congestionnées, mais moins frustrantes maintenant qu'on peut s'occuper à bord», poursuit M. Boissé.

Cette réflexion est renforcée par des études qui préviennent de l'impact de la voiture autonome sur certaines activités urbaines qui ont pourtant peu à voir avec le transport: celle de la restauration, du tourisme... et même de l'«intimité». «Des véhicules autonomes privés pourraient avoir une utilité commerciale, des gens étant prêts à payer pour y passer la nuit. Ils pourraient remplacer les chambres d'hôtel bon marché, ou même devenir l'équivalent mobile du quartier rouge d'Amsterdam», illustre Scott Cohen, enseignant à l'École de gestion en tourisme de l'Université de Surrey, en Angleterre, dans une étude sur la question.

Des questions sans réponses

«Ces véhicules ont le potentiel pour bouleverser toutes les industries qui touchent de près ou de loin au transport», résume, plus sérieusement, l'auteur britannique. Ce qui devrait forcer les administrateurs, urbanistes et autres planificateurs liés au développement et au design urbain à réfléchir immédiatement à l'impact que ce phénomène pourrait avoir sur la gestion de l'espace en ville.

Les stationnements publics seront-ils toujours nécessaires quand les véhicules pourront aller eux-mêmes se garer ailleurs après avoir déposé leurs passagers? Quelle urgence y aura-t-il à combler les nids-de-poule si les déplacements se font à partir de taxis volants? Des questionnements a priori farfelus, mais qui ne manquent pas de faire sourciller les experts.

«Les ramifications des véhicules autonomes ou même volants sont beaucoup trop nombreuses pour qu'on ait déjà toutes les réponses. Imaginez seulement le temps qu'il faudra pour certifier toutes ces nouvelles technologies, prévient Pascal Boissé. Les délais et les coûts liés à ce processus sont ce qui ont nui le plus à la mise en marché de la C Series de Bombardier. Imaginez ce que ce sera pour homologuer quelque chose d'aussi étrange qu'un taxi volant!»

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Photo fournie par Alimentation Couche-Tard

Le dépanneur mobile MobyMart

Des véhicules signés Uber, IKEA et... Couche-Tard?

Voici trois études de style qui donnent un aperçu de ce à quoi pourrait ressembler l'automobile en 2040. Avertissement: on est loin de l'émergence de la Ford Model T usinée en série à très grand tirage...

Le taxi volant d'Uber

Uber tire dans toutes les directions, allant des trottinettes en libre service aux taxis volants, pour résoudre l'épineux problème du «dernier kilomètre», cette distance à faire entre le point de chute des transports en commun et la destination finale du voyageur. L'entreprise californienne rêve d'un service de taxis volants centrés autour d'héliports urbains. Cette solution est promise à un bel avenir: Porsche Consulting dit qu'on en comptera 15 000 dans les airs en 2023. Les trottinettes sont une technologie assez simple, mais s'avèrent tout un casse-tête de gestion et de logistique pour les agglomérations où l'on en trouve déjà. Imaginez alors des véhicules électriques propulsés par quatre énormes hélices...

L'«Espace sur roues» meublé d'IKEA

Le salon de votre demeure accueille peut-être déjà un meuble IKEA. La chaîne suédoise espère qu'il en sera de même pour votre future voiture autonome, dont l'habitacle pourrait s'apparenter à un salon sur roues. Ou à une salle de conférence mobile. Ou même à une chambre à coucher autonome. Ce sont là les plus récents concepts présentés par Space10, le mini-labo de design et de recherche et développement d'IKEA. Son interprétation de la mobilité de demain est particulièrement éclatée, allant de ces pièces de la maison entièrement vitrées à une ambulance autonome avec salle d'urgence intégrée, en passant par un petit jardin robotisé permettant de cueillir ses propres fruits et légumes à même le trottoir.

Le robot-dépanneur signé Couche-Tard

Dans une lettre aux investisseurs envoyée plus tôt cet automne, les responsables des dépanneurs Circle K, filiale d'Alimentation Couche-Tard, ont mentionné le potentiel des petits commerces mobiles «sur le pouce» comme vecteur de croissance future. Déjà, la start-up MobyMart teste la formule à Shanghai, où son robot-dépanneur peut aller faire le plein à l'entrepôt pendant les heures tranquilles, puis vendre ses biens dans des lieux achalandés le reste du temps. Dans le sillage des kiosques Amazon Go, le MobyMart ne recourt à aucune aide humaine pour faire payer les clients, qui interagissent avec une intelligence artificielle pour conclure leurs transactions.

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En chiffres

On en parle comme si c'était demain, car pour plusieurs des grands constructeurs soucieux d'assurer leur avenir, 2040, c'est presque demain...

- Selon la firme Bloomberg New Energy Finance, de 90% à 95% du parc automobile mondial sera électrifié en 2040, et les motorisations hybrides compteront pour 10 à 15% de cette part. Le reste (de 5 à 10%) sera constitué de véhicules à moteur thermique, à essence ou diesel.

- La part des véhicules dotés d'un système de conduite autonome sur les routes passera de moins de 1% à l'heure actuelle à 14% en 2040, prédit la société financière Crédit Suisse. La technologie pourrait bondir rapidement des systèmes actuels, limités et maladroits, à des systèmes entièrement autonomes très rapidement.

- Plusieurs grandes marques risquent de disparaître d'ici 2040, craint la firme d'investissement new-yorkaise Loup Ventures, par un processus de fusions et d'acquisitions alimenté par le défi de mettre la main sur les meilleures technologies le plus rapidement possible. Ford, Tesla et Waymo (Google) sont bien positionnés pour profiter de ce mouvement, qui laissera aussi de la place à de nouvelles sociétés encore inconnues aujourd'hui.

- Deux véhicules sur trois (65%) sur la route en 2040 pourraient ne pas être la propriété de leur principal occupant, mais plutôt celle d'un service de véhicules partagés à la demande, poursuit Loup Ventures. Celle-ci voit un point d'inflexion dans 15 à 20 ans, avec l'arrivée sur le marché d'une nouvelle génération d'acheteurs n'ayant pas connu l'époque de l'achat ou de la location comme seules options d'acquisition d'un véhicule.